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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/367

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celui de M. Ritschl à la fin de l’an dernier, celui de MM. Mommsen et Henzen il y a seulement quelques semaines[1], et déjà cette double publication est saluée comme un événement dans le domaine de l’érudition conquérante.

C’est aux maîtres de la science de juger de pareils travaux. Pour nous, en rapprochant les sévères investigations de M. Mommsen de ses pages si vives, si passionnées sur la fin de la république romaine, en signalant chez le même écrivain des études si différentes, nous avons voulu montrer le double courant qui a renouvelé de nos jours la substance de l’histoire romaine, c’est-à-dire les faits et les jugemens, la connaissance matérielle des détails et l’appréciation morale des acteurs. Or, quand la substance d’une histoire subit des modifications si graves, la philosophie de cette histoire doit se modifier aussi. Bossuet, dans quelques pages éloquentes, a écrit la philosophie de l’histoire romaine au point de vue de la science de son temps ; Vico, Montesquieu, Herder, chacun avec son génie propre et le caractère de son pays, ont repris la même tâche au point de vue des connaissances du XVIIIe siècle ; il est impossible que notre époque ne produise pas à son tour des considérations nouvelles sur ce sujet au nom des grandes innovations que nous venons de décrire. Bien des systèmes ou des fragmens de système ont paru déjà, bien d’autres naîtront encore. Outre les noms que nous avons cités plus haut, est-il nécessaire de rappeler les écrits de Merivale en Angleterre, les recherches de Drumann en Allemagne, en France d’admirables leçons de M. Guizot, d’éloquentes pages de M. Villemain, l’histoire si neuve de M. Ampère, et l’Essai sur Tite-Live de M. Taine ? Je voudrais signaler aujourd’hui deux œuvres récentes qui appartiennent à ce mouvement d’idées. L’une nous vient d’Allemagne, l’autre fait honneur à la France. La première est un simple mémoire académique, la seconde est tout un livre ; toutes les deux sont des systèmes complets. On ne saurait imaginer d’ailleurs un contraste plus grand. Malgré certains points de contact, et bien que les deux auteurs aient puisé savamment aux mêmes sources, ils se sont placés aux deux points extrêmes du monde des idées. Celui-ci ne voit partout que mythes et symboles ; celui-là veut retrouver la vivante réalité des faits. Ici une conception de l’histoire tout idéale, toute fabuleuse ; là une philosophie des événemens fondée sur les intérêts et les douleurs des hommes. L’apparition simultanée de deux ouvrages si dissemblables dit assez combien ce sujet, qu’on a cru épuisé, réserve encore

  1. Corpus inscriptionum latinarum consilio et auctoritate academiœ litterarum regiœ borussicœ editum… Berlin, in-folio. 1862-1863.