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à Solferino, le roi l’interrompit, et de manière que le maréchal ne perdît pas une de ses paroles : « Ah ! vous n’êtes pas content, général ?… Moi non plus, je vous assure. »

Cette ingratitude italienne, — pour nous servir d’une expression officielle, — eût été souverainement impolitique, si elle eût franchi certaines limites ; mais le tact ne manque pas en ce pays, et, les premières flammes jetées, on revint très vite à une ligne de conduite plus adroite. Avec ce liant et cette bonhomie qui permettent de faire passer dans la conversation certaines vérités plus ou moins désagréables, les Italiens, les Italiennes surtout, adressaient à leurs libérateurs des reproches que ceux-ci ne réussissaient pas toujours à réfuter. M. Arrivabene fut témoin d’un de ces assauts d’esprit entre un de nos officiers supérieurs et une charmante comtesse milanaise à laquelle son interlocuteur venait d’exposer les raisons sérieuses que l’attitude menaçante de l’Allemagne pouvait fournir aux partisans du traité de Villafranca. « Eh bien ! lui dit la comtesse R. L. avec son plus doux sourire, si ce sont là vraiment les motifs qui ont déterminé votre empereur, l’histoire racontera pour la première fois que l’Europe a fait peur à la France. » Impossible, à coup sûr, de mieux envelopper un amer sarcasme et de le rendre acceptable aux susceptibilités le plus en éveil.

Il est des gens pour lesquels tout parti-pris politique s’explique par les conséquences qu’il a eues. Ceux-là ne croient ni à l’imprévoyance ni aux calculs erronés. Selon eux, le vainqueur de Solferino n’a déposé les armes que parce qu’il entrevoyait dans les conditions faites à l’Autriche un moyen pacifique d’arriver indirectement à l’unité italienne. Heureux ceux qui ont foi dans ces pressentimens lumineux de l’avenir le plus incertain ! Nous avons, quant à nous, mille raisons excellentes de penser autrement, et de prendre pour très sincères les déclarations réitérées qui furent faites à l’époque du traité de Zurich par le chef du gouvernement français. Elles étaient parfaitement conformes à celles qui avaient précédé l’ouverture des hostilités contre l’Autriche, déclarations renouvelées à la plupart des proscrits italiens que l’on dirigeait sur le théâtre de l’action. L’un d’eux, — nous ne le mentionnons que parce qu’il est mort, — avait reçu l’assurance la plus formelle (et il nous le confiait au moment du départ) que « jamais la France ne consentirait à ce que le Piémont s’annexât la Toscane. » Ce fut sur cette manifestation très explicite que Giuseppe Montanelli, arrivant au milieu de ses compatriotes, se fit le champion du système fédératif, le seul praticable en Italie du moment où la France se serait décidée à combattre résolument les tendances unitaires. Malheureusement l’homme propose, et, si puissant qu’on le croie, les destinées des