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fameuse « bataille de San-Martino, » prise à part et isolée de la grande lutte où elle ne forme, selon nous, qu’un brillant épisode.

Il existe, publié par le ministère de la guerre, un ouvrage spécial sur la campagne de 1859[1]. La bataille de Solferino y est racontée dans le plus grand détail, moment par moment, chaque moment ayant son chapitre et son plan spécial. C’est là que nous puiserons le détail rapide des opérations de l’armée sarde dans cette journée mémorable.

On sait que la bataille du 24 juin fut engagée à l’improviste, grâce aux hésitations de la tactique autrichienne. L’armée française marchait vers le Mincio, derrière lequel on savait que l’ennemi s’était retiré. Celui-ci au contraire, après avoir adopté le plan du feld-zeugmestre baron Hess, — qui consistait à se retirer dans le fameux quadrilatère, pour reprendre ensuite l’offensive, comme avait fait en 1848 le vieux Radetzky, — était brusquement revenu sur sa décision, et, traversant le Mincio, voulait réoccuper les fortes positions abandonnées quelques jours auparavant. Ces deux mouvemens en sens contraire amenèrent un choc imprévu. Or le 23 juin les troupes sardes occupaient la gauche de l’armée française : elles avaient leur quartier-général à Lonato, leur droite (division Fanti) à Malocco, leur gauche (Mollard) à Rivoltella el au mont Cavaga. Leur ordre de marche les dirigeait sur Pozzolengo. Un simple coup d’œil jeté sur les magnifiques plans du dépôt de la guerre nous montre la dissémination de ces différens corps et la difficulté de leur imprimer une direction commune : ils y dessinent un angle rentrant dont le sommet est Lonato, et dont les branches s’écartent démesurément, l’une, la droite, perpendiculaire, pour aller rallier le corps du maréchal Baraguay-d’Hilliers (extrême gauche des Français), l’autre, horizontale, pour s’étendre le long du chemin de fer qui court dans la direction de Lonato à Rivoltella et au lac de Garda.

Au premier moment, c’est-à-dire de trois heures à six heures du matin, l’armée sarde, voulant éclairer sa route, pousse de tous côtés des reconnaissances. La colonne envoyée par la première division (général Durando), en débouchant dans le val dei Quadri, trouve occupée par les Autrichiens la position connue sous le nom de Madonna della Scoperta, un peu en arrière de Solferino. Un combat de tirailleurs s’engage de ce côté. Le lieutenant-colonel Cadorna, parti de Lonato à trois heures du matin, marche à la tête d’un autre détachement (5e division) vers Pozzolengo. Il suit la

  1. Campagne de l’empereur Napoléon III en Italie (1859), rédigée au dépôt de la guerre d’après les documens officiels, 1 vol. in-4o, accompagné de deux atlas. — Cet ouvrage, véritable chef-d’œuvre de typographie et de gravure, ne se trouve pas dans le commerce ; nous en avons dû la communication à une obligeante amitié.