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Moscovie il y avait les républiques indépendantes de Novogorod et de Pskov et le grand-duché de Lithuanie.

La conquête lithuanienne avait eu un résultat bien différent de celui de la conquête tartare. Pendant que la Moscovie se tartarisait, la Lithuanie au contraire était presque complètement absorbée par la Ruthénie :

Ruthenia capta ferum victorem cepit.


Les Lithuaniens adoptèrent le dialecte de la Ruthénie-Blanche, qui devint la langue du gouvernement, de l’aristocratie et du peuple des villes, si bien que la langue de ces singuliers conquérans ne fut plus parlée que par des paysans de la Lithuanie proprement dite et de la Samogitie. Du reste, les princes lithuaniens demeurèrent païens jusqu’en 1386, tandis que la religion chrétienne avait fait de grands progrès dans l’est et au nord. Le christianisme avait d’abord été peu répandu dans la Moscovie, où, au commencement du XIIIe siècle, il n’y avait qu’un seul évêché, tandis qu’il y en avait treize pour la Ruthénie ; mais, vers l’époque à peu près où nous sommes arrivés, les habitans finnois de la Moscovie étaient généralement devenus chrétiens.

Il existe de nombreux exemples de la facilité avec laquelle les peuples de l’Asie peuvent échanger leur ancien idiome contre un idiome nouveau, et cette faculté était déjà constatée par Strabon. Sous l’influence du clergé, des princes de la famille de Rurik, des Ruthéniens qui s’y étaient établis, il se forma dans la Moscovie une nouvelle langue slave, qui est devenue le moscovite, appelé aussi grand-russe. Il y eut dès lors trois langues slaves dans cette partie de l’Europe : aux deux extrémités, le polonais et le moscovite, entre lesquels le ruthénien, avec ses dialectes, forme une langue intermédiaire. Tel était, après les conquêtes des Tartares et des Lithuaniens, l’état de ces pays, où les Moscovites et les Polonais allaient bientôt se trouver en contact.

Nous avons souvent parlé du duché de Halitch. Il comprenait, on le sait, la Ruthénie-Rouge, la Volhynie, la Podolie et une partie de l’Ukraine. Rien n’est plus compliqué et n’a donné lieu à plus de débats que l’histoire des relations de cet état avec le reste de la Ruthénie, avec la Pologne, avec la Hongrie et avec la Lithuanie. En voici les principaux traits, qui se rapportent plus spécialement à la partie orientale de la Galicie et à la Volhynie, que nous désignerons sous le nom géographique de Ruthénie méridionale. La Ruthénie méridionale faisait partie de la Pologne de temps immémorial. En 981, Vladimir, un prince normand-varègue, la sépare de la Pologne. Il la prend aux « Lekhs, » dit Nestor, c’est-à-dire