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aux Polonais. En 1018, le roi de Pologne, Boleslas le Grand, là reprend. Les princes normands-varègues la ressaisissent en 1085 et la gardent jusqu’en 1319. Les écrivains russes prétendent que, durant cette dernière période, le duché de Halitch fut un état parfaitement indépendant. Les historiens polonais soutiennent au contraire que ce duché était sous la suzeraineté de la Pologne, et ils citent textuellement des actes de vasselage dont il est difficile de contester l’autorité. Il faut mentionner aussi qu’en 1195 Leszek le Blanc, roi de Pologne, reçu aux acclamations des habitans, refusa de régner directement sur la Ruthénie-Rouge. C’est du moins le récit polonais, contesté par les écrivains russes, qui reconnaissent seulement que Leszek en disposa alors à son gré. Ce qui est certain, c’est que cette partie de la Ruthénie ne relevait aucunement de la Moscovie.

Au commencement du XIVe siècle, la branche de la dynastie des Rurikovitch, régnante à Halitch, s’étant éteinte, ce duché fut divisé. En 1319, tandis qu’un prince polonais de la Mazovie, Boleslas, montait sur le trône de son beau-père à Halitch, le Lithuanien Lubart prit la Volhynie, dont il héritait du chef de sa femme. En 1340, à la mort de Boleslas, Casimir le Grand incorpora, à titre d’héritage, le reste du duché de Halitch à la Pologne. Marie, fille de Léon II, dernier duc normand de Halitch, avait épousé Troïden, duc d’une partie de la Pologne appelée Mazovie. Ils avaient eu des fils, dont les uns furent ducs de Mazovie, et dont les droits passèrent par échange à Casimir le Grand. Un autre fils de Marie et de Troïden est ce Boleslas, qui mourut sans enfans sur le trône de Halitch, et dont Casimir héritait comme parent et comme succédant aux droits des ducs de Mazovie.

Ce n’est pas à ce seul titre toutefois que la Ruthénie-Rouge fut réunie à la Pologne : les Ruthéniens étaient venus eux-mêmes demander à Casimir cette union. Dans le conseil des Polonais, il y avait des seigneurs qui y étaient opposés. Le roi fut d’un avis différent, et il présenta, entre autres raisons, la nécessité de s’unir pour repousser les Turcs, déjà menaçans, car cette idée de défendre la chrétienté contre la domination asiatique a été, si l’on peut s’exprimer ainsi, le dogme générateur de la patrie polonaise. « Nous vous invitons, dit Casimir aux seigneurs ruthéniens, à rentrer dans le sein de cette patrie dont vous avez été séparés par la domination de vos princes (normands-varègues), et à laquelle vous vous êtes empressés de revenir dès que vous êtes redevenus libres. Par là, vous avez prouvé que vous êtes les enfans d’une même famille. Puisse le ciel bénir cette sainte union ! » Ce discours est extrait, par le traducteur de Lelewel, d’une histoire de la ville de Leopol,