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écrite il y a plus de deux cents ans, alors que nul ne prévoyait les questions qui nous occupent ici, et n’aurait été disposé à les envisager du même point de vue. Le fait de l’union volontaire de la Ruthénie-Rouge avec la Pologne est contesté par les Russes, mais faiblement. Ainsi le prince Troubetzkoï reconnaît que Casimir était soutenu par une grande partie des boyards ruthéniens.

Nous n’entrerons pas dans le détail des démêlés, des guerres et des traités qui se succédèrent entre la Lithuanie et la Pologne au sujet de la possession des différentes parties du duché de Halitch. Un grand événement se produisit, qui ne devait pas tarder à enlever à ces débats tout intérêt politique. En 1386, le trône de Pologne échoit par héritage à une jeune fille nommée Hedwige, de la maison française d’Anjou. La profonde impression que la destinée d’Hedwige dut provoquer chez les Polonais du XIVe siècle a trouvé un écho dans l’âme du poète Miçkiewicz racontant l’histoire des sociétés slaves, à ses auditeurs du Collège de France. « Hedwige, dit-il, était une enfant de quatorze ans, d’une beauté merveilleuse, et dont on admirait la piété et la vertu… Les états pensaient à lui choisir un mari. Elle était fiancée à un duc allemand, jeune, beau et vaillant. Jagellon, grand-duc de Lithuanie, ayant entendu parler de cette merveille, envoya une ambassade pour demander sa main. La princesse fut effrayée de cette proposition. On lui représentait ces ducs de Lithuanie païens comme des espèces de sauvages. D’ailleurs celui-ci était déjà âgé. Hedwige lutta pendant longtemps contre la noblesse, contre tous ses conseillers. Le clergé lui fit observer qu’en acceptant la main de ce duc, elle gagnerait à la chrétienté des pays immenses, que ce potentat, le seul, le plus terrible des païens qui fût resté dans le nord, en se soumettant à l’église, entraînerait avec lui tout le pays, qu’enfin la Pologne gagnerait non-seulement des territoires, mais qu’elle pourrait revoir des milliers de ses enfans, faits autrefois prisonniers par les païens et gardés dans les forêts impénétrables de la Lithuanie. La reine, vaincue par ces remontrances, accepta la main de Jagellon, qui la rendit heureuse. C’est l’événement le plus important et le plus décisif de l’histoire du Nord. »

L’union de 1386 ne fut d’abord que personnelle ; mais l’impulsion était donnée. En 1413 eut lieu l’assemblée d’Horodlo, où il fut décidé d’un commun accord que les diètes des deux pays se réuniraient. La noblesse lithuanienne obtint alors les libertés dont jouissait celle de Pologne. L’enthousiasme alla jusqu’à une sorte d’union mystique entre les familles, qui prirent les mêmes armoiries. « Nous, prélats, barons, nobles et magnats du royaume de Pologne ; tous en général et chacun en particulier, nous signifions que nous avons