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disait aux Polonais : « Les résultats de vos travaux dans cette première assemblée m’apprendront ce que la patrie doit attendre à l’avenir de votre dévouement pour elle comme de vos bons sentimens pour moi, et si, fidèle à mes résolutions, je puis étendre ce que j’ai déjà fait pour vous. » L’empereur disait à la clôture de cette même session : « Polonais, je tiens à l’accomplissement de mes intentions ; elles vous sont connues ! » En 1820, Alexandre Ier disait en ouvrant la deuxième diète : « Encore quelques pas dirigés par la sagesse et la modération, marqués par la confiance et la droiture, et vous toucherez au but de vos espérances et des miennes. » Il serait d’ailleurs injuste de ne pas reconnaître qu’Alexandre Ier a fait quelque chose pour les anciennes provinces et pour préparer peut-être leur annexion au royaume. Ainsi, il avait réuni entre les mains de son frère Constantin le commandement des armées de ces deux territoires. Il avait, dès le début de son règne, confié au prince Czartoryski et au comte Czaçki l’organisation de l’instruction publique en Lithuanie et en Ruthénie. S’il avait considéré ces provinces comme russes, y aurait-il fait diriger l’enseignement par des patriotes polonais ?

La non-réunion des anciennes provinces a été l’un des principaux griefs de la Pologne contre la Russie en 1830, et ce grief fut exprimé formellement dans le manifeste du 30 décembre de la même année. On sait comment la Russie répondit à ces protestations. Sous le règne de l’empereur Nicolas Ier, les anciennes provinces commencent à être qualifiées d’après l’étrange système de quelques écrivains russes. Pour Catherine II en 1764, c’étaient des provinces appartenant légitimement à la Pologne ; pour Alexandre Ier, c’étaient des provinces conquises par la force ; aujourd’hui ce sont des provinces récupérées (vozvrastchennyé) ou occidentales (zapadnyé). Ce qui est plus sérieux, c’est que ces nouvelles appellations coïncidaient avec des mesures de rigueur qui avaient pour objet de dénationaliser la Lithuanie et la Ruthénie. Nous nous écarterions de notre sujet en nous étendant ici sur l’introduction forcée de la langue grand-russe, dans l’enseignement et dans l’administration, sur la suppression des universités polonaises, sur l’abolition du statut lithuanien remplacé par le code russe, sur la persécution de la communion grecque unie, sur la transportation de milliers de familles polonaises au Caucase. Il doit suffire de renvoyer aux documens officiels, publiés dans un recueil connu du monde politique, la collection du comte d’Angeberg, et constater que ces graves mesures n’ont pas atteint le but qu’on s’en proposait, puisqu’en ce moment encore le sang coule en Ruthénie et en Lithuanie pour la même cause qui avait soulevé ces mêmes pays en 1812 et en 1831.