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IV.

Maintenant nous sommes parfaitement en mesure de décider à quel titre ce que l’on appelle aujourd’hui les anciennes provinces faisait partie de la Pologne en 1772. Nous ne voudrions plus, avant de conclure, que faire remarquer combien il importait, dans cette question, de ne pas laisser de côté certains travaux littéraires, sous peine de ne se faire qu’une idée très incomplète de cette grave discussion. En effet, si l’on ne consulte que les actes diplomatiques, notamment le traité de 1634 et la déclaration de Catherine II, il ne saurait, suivant l’expression même des plénipotentiaires russes de 1764, y avoir ni doute ni discussion sur la légitimité de la possession des anciennes provinces par la Pologne. Au contraire, si l’on donne créance aux exposés historiques et aux théories politiques des écrivains russes, l’on serait amené à une conclusion fort irrespectueusement, mais formellement contraire à la déclaration de leur souveraine. Faut-il ajouter foi à Catherine II ou aux écrivains russes ? Il est d’autant plus nécessaire de se le demander qu’en adoptant l’un ou l’autre parti, l’on arrive nécessairement à des conclusions tout à fait différentes. En effet, si l’on se décide pour la déclaration de 1764, il est incontestable que la Russie actuelle détient des contrées qui faisaient alors partie légitimement de la Pologne ; par conséquent la réprobation que la conscience publique inflige depuis quatre-vingt-dix ans aux partages de 1772-1795 s’applique au possesseur de la Ruthénie et de la Lithuanie aussi bien qu’à celui du royaume proprement dit et aux détenteurs de la Galicie et du duché de Posen. Quelle différence, si l’on se place au point de vue des écrivains russes ! Non-seulement, dans ce cas, les anciennes provinces n’auraient pas été usurpées sur la Pologne, mais l’on est inévitablement amené à reconnaître que, seule parmi les puissances qui détiennent des portions de la Pologne de 1772, la Russie n’aurait pas concouru à l’œuvre fatale des trois premiers partages ! En effet, en s’emparant de la Ruthénie et de la Lithuanie, le cabinet de Saint-Pétersbourg n’aurait fait que rentrer dans ses anciennes possessions. Quant au royaume, ce n’est pas à la Russie, mais à la Prusse et à l’Autriche qu’il a été adjugé en 1795. Napoléon Ier le leur avait enlevé, et la Russie en 1815 l’a reçu de l’Europe sans l’avoir pris directement aux Polonais. Ce n’est pas tout. La moitié de la Galicie a fait partie jusqu’en 1340 du duché de Halitch, et par conséquent elle devrait appartenir à la Russie au même titre que la Volhynie et la Podolie. Ce n’est pas nous qui avons imaginé cette revendication ; c’est la conclusion de l’ouvrage du prince Troubetzkoï, « Les droits de l’Autriche à la possession