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de chaleur. Après avoir rempli son premier récipient d’air comprimé à vingt-deux atmosphères, il obligea le gaz à se rendre sous une cloche renversée sur la cuve à eau et à s’y loger sous une pression de onze atmosphères. L’air avait donc pour s’établir sous la cloche une certaine masse d’eau à déplacer. À ce travail devait correspondre dans le système une déperdition de chaleur. C’est ce que les thermomètres accusèrent nettement. Rien de plus concluant que le résultat de ces deux expériences. Rien de plus naturel d’ailleurs que de tirer de la seconde une détermination numérique de l’équivalent mécanique de la chaleur. M. Joule le fit et trouva dans ces essais le nombre 441.

Cette expérience capitale vaut qu’on s’y arrête et qu’on examine attentivement comment les choses s’y passent. Si l’on se reporte au premier essai que nous avons indiqué, à celui dans lequel l’air passe du récipient où il est comprimé à vingt-deux atmosphères au récipient où le vide a été fait, et si l’on regarde de plus près le jeu du phénomène, une objection peut se présenter à l’esprit. Le gaz, disons-nous, remplit rapidement les deux récipiens sous une pression de onze atmosphères, sans travail et sans refroidissement. Cependant, s’il nous prend fantaisie d’isoler par la pensée dans le premier récipient une petite masse d’air et de la considérer spécialement à l’exclusion des particules voisines, nous serons bien forcés de reconnaître que cette petite masse d’air, pour se dilater, doit presser les molécules qui l’entourent, développer ainsi du travail, et partant se refroidir. Cela est si vrai que le résultat final est en effet un refroidissement dans le second essai, où la masse entière du gaz, au lieu de trouver le vide devant elle, rencontre un corps qu’elle doit déplacer. Mais ne semble-t-il pas dès lors que la petite masse que nous venons d’isoler par la pensée doit se comporter de la même manière dans les deux cas, puisqu’à tout prendre elle a dans les deux cas un effort à faire sur ce qui l’entoure immédiatement, et ne peut-il pas paraître extraordinaire qu’elle se comporte différemment suivant ce qui se passe aux extrémités de la masse ? « Supposer, dit M. Verdet, que tantôt elle se refroidit, tantôt elle conserve sa température, c’est pour ainsi dire supposer qu’elle est instruite de ce qui se passe en dehors d’elle, et qu’elle se conforme à une loi de la nature de la même façon qu’un être animé et doué d’intelligence. On n’ose guère en général, contre une théorie forte déjà de l’assentiment des plus hautes autorités scientifiques, exprimer tout haut de pareilles difficultés, dont l’énoncé a quelque chose d’étrange et de malsonnant ; mais on les garde au fond de l’esprit et on en reçoit quelquefois une défiance secrète contre la science tout entière. » Examinons donc de plus près. Dans le premier cas