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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/641

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Les excursions commencent invariablement au vendredi saint (good friday). Ce jour-là n’a point du tout en Angleterre la tristesse solennelle qu’il revêt dans les pays catholiques, c’est à la fois un jour.de repos et de plaisir ; on pourrait dire que c’est un dimanche gai, si cette alliance de mots n’était condamnée par les idées religieuses de la Grande-Bretagne. Vient immédiatement après le vendredi saint le lundi de Pâques (Easter-monday), amenant à sa suite des parties de campagne qui se continuent plus ou moins durant toute la semaine. La fièvre des excursions éclate de nouveau dans l’été avec le lundi de la Pentecôte (Whit-monday). Il faut alors ou n’être pas Anglais ou avoir des occupations bien graves pour être vu de jour dans les rues de Londres. La Fête des Fèves (Bean-Feast), qui tombe vers le mois de juin, agit aussi sur l’humeur champêtre des Londoners, surtout dans la classe ouvrière, et enlève à l’intérieur de la ville des milliers de familles. Non-seulement ces excursions populaires obéissent comme les marées à des influences zodiacales, mais encore l’endroit du rendez-vous se trouve le plus souvent désigné par certains jours de l’année. C’est ainsi que la fête du printemps et du soleil ressuscites se célèbre le lundi de Pâques sur les collines de Blackheath. Au milieu des jeux d’adresse, des courses d’ânes et des tentes de gipsies s’élève le parc de Greenwich avec son vénérable observatoire, ce temple élevé à l’étude des astres qui conduisent dans le ciel la marche des saisons.

Il est curieux de visiter en de pareils jours l’embarcadère des railways, surtout celui de London-Bridge. Il semble que toutes les forces de la vapeur soient mises au défi d’emporter avec elles les flots d’excursionnists. Les femmes et les enfans sont naturellement de la fête et se précipitent d’un pas inégal vers les voitures ouvertes. Il y a beaucoup de voyageurs et très peu de bagages, à peine çà et là quelques corbeilles contenant des provisions de bouche. Enfin le signal du départ est donné, et le train glisse comme un serpent déroulant ses anneaux de wagons. Où vont-ils ? Plusieurs des habitans de Londres professent une sorte de culte pour Margate, Ramsgate et Sheerness. Cette dernière plage est sablonneuse et désolée, l’Océan ne s’y déploie guère dans toute sa grandeur ; mais après tout c’est la mer, un spectacle qui parle toujours au cœur des Anglais. Il y a quelques mois, les évêques de l’église anglicane ont écrit une lettre aux directeurs de chemins de fer pour obtenir qu’on ne lançât plus de trains d’excursion dans la journée du dimanche (sunday-excursion-trains). Cette lettre a été assez mal accueillie par l’opinion publique, et il y a très peu de chances que la mesure proposée soit mise à exécution. Les ouvriers témoignent ce jour-là pendant l’été une préférence invincible pour la grande église de la