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nature, et aiment, comme ils disent, à entendre au bord de la mer la voix majestueuse du vent qui prêche sur les eaux. Cette mode des excursions (nos voisins eux-mêmes l’appellent ainsi, fashion) s’appuie sur un besoin et sur un fait hygiénique. Un médecin qui a étudié la question depuis plusieurs années, le docteur Letheby, proclame avec l’autorité des chiffres que la mortalité dans la Cité de Londres est double de celle qui sévit dans les campagnes. Comment donc s’étonner que la grande cage de pierre s’ouvre à certains jours, et laisse partir des volées d’habitans qui s’en vont respirer la vie à travers champs et bois ? Les centres d’attraction varient pour les excursionistes, ainsi qu’on peut s’y attendre, suivant les temps de l’année et selon les goûts de chacun ; mais il se trouve aux environs de Londres un village qui a le privilège d’attirer constamment la foule. Ce village est Sydenham, où s’élève le Palais de Cristal. C’est là que nous voudrions conduire le lecteur et nous arrêter.


I

Aller au Cristal Palace répond à plus d’un besoin. D’abord c’est un but d’excursion et un lieu de promenade. Pour y arriver, on traverse en wagon de riches villages anglais, New-Cross, Forest-Hill, Lower-Sydenham ; on entrevoit d’agréables paysages du Surrey avec des tapis d’herbe verte et des bouquets d’arbres ; on côtoie des maisons de campagne qui s’avancent jusqu’au bord du chemin de fer, mais qui avec des airs de coquetterie féminine se montrent et se dérobent à demi sous un voile de feuillage et de fleurs. Avant même de descendre du wagon, on aperçoit les jardins du Valais de Cristal, où l’art a voulu marier le style italien et le style anglais sans trop contrarier la nature, qui triomphe après tout dans la libre et fière venue des grands arbres. Le principal centre d’attraction est pourtant, on le devine, le palais lui-même.

Cet édifice de fer et de verre est à peu près le même qui figurait en 1851 dans Hyde-Park, et qui abrita la première exposition universelle. Après avoir été démoli en 1852, il se releva sur les hauteurs de Penge, à Sydenham, d’après un nouveau plan qui modifia, agrandit et embellit à quelques égards les dispositions extérieures[1]. Dans les légendes du moyen âge, il est parlé de maisons transportées à de grandes distances sur les ailes des anges. Il était réservé à notre siècle d’industrie et à un nouveau système d’architecture de réaliser, — aux anges près, — ce rêve du merveilleux. Un caractère

  1. On trouvera le récit d’une visite au palais de Sydenham peu de jours après l’ouverture dans la Revue du 15 juillet 1854, — le Palais de Cristal de Sydenham, par M. B. Delessert.