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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/643

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distinctif des constructions qui représentent en architecture le style anglais moderne est la mobilité ; elles se déplacent au besoin, se renouvellent et se transforment. Un autre avantage, auquel on s’attendrait beaucoup moins, est la solidité. Malgré son apparence fragile, le Crystal Palace a soutenu sans broncher le choc des élémens. Il y a quelques années, il fut assailli par une trombe, une tempête furieuse qui ébranla toute la toiture ; il résista. Ce palais a la force des choses légères et aériennes : incorruptible comme la lumière dont il est tout rempli, il défie le temps par la nature inaltérable des matériaux, le verre et le fer galvanisé. De loin, à quatre, ou cinq milles, il reluit au soleil comme un fouillis de diamans : on dirait plutôt un rêve d’édifice qu’un édifice lui-même, quelque chose de construit avec de l’air et avec des rayons. Vu de près, il développe une immense façade qui s’avance entrecoupée de galeries, de nervures de fer soutenant des arcades, d’éventails de cristal qui se déploient en forme de cintre. Cette façade est flanquée de deux ailes qui s’étendent sur une prodigieuse longueur, et de tours de verre qui sembleraient très hautes, si elles ne répondaient aux proportions gigantesques de l’ensemble. « Si les monumens ressuscitaient, ils auraient cette forme-là, » s’écriait un Anglais enthousiaste à la vue de cette architecture féerique et de ces hautes murailles de cristal qui laissent transparaître la couleur du ciel. Au fond, la beauté d’une telle, construction ne consiste pourtant que dans la hardiesse et la grandeur des lignes. L’intérieur, vu de la nef, ressemble tout d’abord à un immense jardin couvert. Il s’y forme pendant l’hiver des brouillards qui montent lentement vers le ciel de verre, et qui retombent en rosée. On y parcourt en quelque sorte des climats différens. Un jour de grande gelée, je passai successivement d’une température bien au-dessous de zéro dans une salle très chaude où les contrées équatoriales se trouvaient représentées par des palmiers, des bambous et des cocotiers. En toute saison d’ailleurs, ce jardin a ses bosquets, ses lianes qui courent et s’accrochent d’arbre en arbre, ses pièces d’eau couvertes, parées des larges feuilles des nénufars, ses oiseaux, merles, rossignols, fauvettes, rouges-gorges, qui font leurs nids dans les branches, qui volent et chantent sans même s’apercevoir de leur demi-captivité, ou qui se reposent familièrement sur l’épaule des statues. Dans cette colossale promenade, les foules disparaissent. Un Français exprimait devant moi son admiration pour le Crystal Palace ; il regrettait seulement qu’il n’y eût personne le jour où il l’avait visité. Il n’y avait en effet ce jour-là, d’après le rapport des feuilles anglaises, que cinq mille admissions.

Cet établissement, ainsi que presque toutes les grandes institutions