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ou plutôt les forces hiérarchiques de l’univers qu’on personnifiait dans ces dieux à face d’ibis, de tigre, de chacal et de crocodile. L’immolation consacrée dans l’intérieur du temple sous toutes les formes se traduisait dans l’état par tous les genres de sacrifices : de là ces glaciales et accablantes figures sous lesquelles le peuple adorait son propre anéantissement. Dans cet ordre de choses absolu, inéluctable, l’immobilité des institutions se réfléchissait dans l’immobilité des statues. Comment ce moule des sociétés antiques s’est-il brisé ? Des naturalistes fatigués de rapporter à la doctrine des cataclysmes les grands changemens qui se sont opérés sur la terre dans la nuit des époques géologiques ont voulu les expliquer par d’autres causes plus simples, les variations de l’atmosphère et l’épanouissement des nouvelles formes de la vie sur le globe. Il viendra peut-être de même un jour où les historiens accorderont moins d’influence aux guerres et aux révolutions sur la décadence des états qu’aux lentes et inévitables lois du progrès. Si par miracle les pharaons enfouis sous les ruines des anciens édifices pouvaient revenir à la lumière, ils reconnaîtraient qu’il n’y a plus de place pour eux dans le monde moderne et, fermant la paupière, ils se recoucheraient majestueusement dans leurs tombeaux. Ces grandes existences, figurées par les proportions colossales de la sculpture, n’étaient à l’aise que dans le passé ; débordées par un nouvel ordre de faits, par des changemens historiques auxquels il leur était interdit de s’accommoder, elles se sont éteintes, après avoir laissé dans les sables de l’Égypte les témoignages et les monstrueux débris de leur puissance effacée.

Il nous faut pourtant rester quelques momens encore dans le cycle des vieilles civilisations orientales. À notre droite s’étend la cour assyrienne, assyrian court, où, à l’aide des mêmes procédés, on a voulu reconstruire non tel ou tel temple, mais la physionomie générale d’une architecture oubliée. On a mis à contribution les découvertes faites, il y a quelques années, dans l’ancien empire d’Assyrie, à Khorsabad. On a résumé les travaux des savans et des antiquaires qui ont rappelé en quelque sorte à la lumière le palais de Sargon, successeur de Shalmaneser, et le palais de son fils Sennacherib à Kouyunjik, ainsi que celui d’Esarhaddon et de Sardanapale à Nimroud. Enfin on a consulté d’autres explorations et d’autres fouilles qui ont mis récemment à nu les ruines des palais de Nebuchadnezzar à Babylone, de ceux de Darius et de Xerxès à Suse. Ce ne sont point seulement les grandes proportions et en quelque sorte les ossemens de cette architecture fabuleuse qui ont reparu derrière le voile de sables écarté par la main des voyageurs, mais encore des détails minutieux, des ornemens délicats, des restes de peinture qui ont permis de redonner la vie et la couleur aux