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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/657

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plus étranges créations de l’art assyrien ou ninivite. Certes c’était une tentative nouvelle et curieuse que de nous introduire dans les monumens des royaumes de Mésopotamie durant les deux siècles qui s’écoulèrent entre le règne de Sennacherib et celui de Xerxès. Ce travail de restauration a été confié à M. James Fergusson et à M. Layard[1], qui, sans imposer de sacrifices à la vraisemblance, ont su réunir dans un palais imaginaire les traits épars d’une époque et d’une civilisation qui semblaient à jamais perdues. Les entrées de ce palais apparaissent gardées par ces gigantesques figures de taureaux ailés à tête d’homme et à barbe noire frisée, qui, selon M. Layard, représentaient les trois grands attributs de la divinité, l’intelligence, la force et l’ubiquité. Que ces monstres et que les Hercules assyriens étranglant les lions ne vous effraient point ! Vous pénétrerez alors dans une grande salle au centre de laquelle s’élèvent quatre colonnes exactement copiées sur celles qui ont été retrouvées à Suse et à Persépolis. Les murs se déploient couverts de sculptures et d’inscriptions cunéiformes (ou plutôt à têtes de flèches) qui ont été récemment déchiffrées, et surtout de peintures ou de sculptures religieuses. Il ne faut pas oublier que ces palais étaient aussi des temples, car le roi cumulait les fonctions de grand-prêtre et de chef militaire de la nation. Le plafond qui couronne la salle présente la forme générale des plafonds dans cette ancienne partie de l’Asie ; mais il a servi principalement de prétexte pour étaler les différens modes de coloration de l’art assyrien. Au fond de la cour, on remarque une voûte d’une forme élégante, et dont le dessin semblerait devoir appartenir à un goût plus moderne que celui des peuples d’Assyrie : c’est pourtant une fidèle copie du modèle qui a été découvert à Khorsabad. De cette salle, on passe dans deux chambres disposées de manière à donner une idée de l’ordonnance des anciens palais, et décorées de moulures prises sur les bas-reliefs découverts à Nimroud. Conformément à l’usage des antiques souverains dont nous visitons les domaines, on y trouve aussi des tableaux de chasse, de guerre, de sacrifices et de tous les divertissemens qui pouvaient occuper les loisirs d’un souverain d’Asie. Par l’ensemble des traits, l’art assyrien se rattache, quoique avec des nuances très distinctes, aux groupes des autres civilisations primitives, telles que celles de l’Inde et de l’Égypte. C’est le même symbolisme accablant et formidable, la même tendance à l’exagération des formes, presque la même hiérarchie de dieux moitié hommes et moitié bêtes, témoignant ainsi que le moi n’avait pu encore se dégager des forces muettes et confuses

  1. Ce dernier savant a publié un livre très estimé sur les antiquités de Ninive, Nineveh and its remains.