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Les géologues nomment époques de transition celles où, les anciennes forces de la nature se rencontrant en présence de forces nouvelles qui tendaient à faire avancer la vie sur le globe, la surface de notre planète était troublée par les oscillations de la résistance et du progrès. Il se passe quelque chose de semblable dans l’histoire de l’humanité. Nous touchons à la décadence des sociétés anciennes ; après être arrivées par degrés au type qui les caractérise, elles s’arrêtent comme épuisées et luttent impuissantes contre un inconnu qui doit leur survivre. Le souffle de l’esprit nouveau a passé sur les nations et les ébranle, les ruines s’entassent sur les ruines, des races inconnues apparaissent et se répandent, sur l’empire romain comme un déluge. Au milieu de ces convulsions, il semble que le monde doive périr ; il va renaître.


III

L’étoile du christianisme s’est levée sur la ville universelle. Toutes les religions nouvelles cherchent à s’emparer des beaux-arts comme du plus sûr moyen de captiver l’imagination. Le christianisme, après avoir d’abord méprisé et répudié les images ainsi qu’un signe d’idolâtrie, ne tarda point à se réconcilier dans la conquête avec les symboles de l’architecture et de la statuaire. Il n’est point vrai que l’art païen se soit évanoui comme par miracle devant la croix ; tout le monde sait aujourd’hui que les chrétiens ont vigoureusement prêté la main à la destruction des temples et des anciens dieux ; les Barbares complétèrent cette œuvre de bouleversement d’où devaient sortir, parmi les ruines, les tiges d’une architecture renouvelée. Au moment en effet où tombaient et s’enfouissaient sous terre les dépouilles du paganisme, des édifices construits d’après un autre système s’élevaient pour les remplacer. C’est ce dernier ordre de faits qu’on a voulu raconter au Palais de Cristal dans la salle byzantine et romane (byzantine and romanesque court). Sur le porche ou la façade de cette cour, M. Digby Wyatt a réuni comme dans une introduction les traits généraux d’une époque éminemment curieuse. Il s’est adressé aux vestiges qui existent encore, et a rajeuni dans une composition idéale les splendides mosaïques, les peintures et les allégories de la période byzantine. Cette entrée conduit dans un musée où l’on s’est contenté de reproduire les divers monumens dispersés dans toute l’Europe et pouvant donner une idée de l’art roman. Ce sont des fragmens de cloître, des porches de cathédrale, des statues couchées, des fonts baptismaux, des sarcophages, des croix irlandaises enlacées d’ornemens étranges, et la fontaine de Heisterbach, aux bords du Rhin, dans les Sept-Montagnes. Il semble que les nations barbares recommencent dans les arts l’enfance du