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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/672

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méthode d’éducation ? Tous les physiologistes anglais conviennent qu’on accorde une part beaucoup trop grande à la mémoire dans l’enseignement de la jeunesse. Imposer à l’esprit de l’enfant un système de connaissances toutes faites dont il ne saisit le plus souvent que les mots, n’est-ce point étouffer dans la fleur son libre arbitre, la faculté de raisonner par lui-même, le goût et le désir de s’abandonner à ses propres impressions ? N’est-ce point le greffer tout vif sur le tronc des fausses conventions sociales et des idées reçues ? Plus d’un attribue à cette méthode un fonds de médiocrité générale, le peu de résistance à l’arbitraire et je ne sais quelle crainte d’exercer par soi-même les forces du jugement. Elle a plutôt pour objet d’orner l’esprit que d’en affermir les ressources et d’en aiguiser les armes. N’y aurait-il point lieu d’y substituer, du moins en partie, l’éducation directe des choses et des faits ? N’est-ce point à l’individu de trouver ses voies, de même que le genre humain a frayé les siennes, appuyé d’une main sur la nature et de l’autre sur la tradition ? L’aider dans cette recherche, placer sur sa route les matériaux de la science et les monumens de l’histoire, tel serait alors le rôle du corps enseignant. Le Palais de Cristal peut être considéré comme un essai, un premier pas dans cette direction nouvelle[1]. L’esprit pratique des Anglais les a convaincus du néant de certaines notions qui s’envolent avec la parole. Les vraies connaissances ne se greffent sur l’esprit de l’enfant, comme sur l’esprit du peuple, que par l’intermédiaire des impressions. C’est pour cela qu’on a voulu, dans un cours d’étude tout plastique, intéresser les sens aux plaisirs de l’esprit et inspirer, par la vue des signes extérieurs, le goût de la réflexion et de la lecture. « Le fruit de l’arbre de la science, dit la Bible, était beau à voir ; » n’est-ce point aussi par les séductions de la forme qu’il faut attirer les masses à la lumière ? En mettant devant les yeux, dans un drame dont les acteurs se succèdent, l’histoire de la création et l’histoire du genre humain, ne fournit-on point au spectateur le moyen de dégager par lui-même et de lier les lois éternelles qui président à l’organisation de la matière et au développement des sociétés ? Cette méthode hardie est quelquefois obligée, quand les monumens certains lui manquent, d’imaginer ce qui fut ou ce qui a dû être ; mais la faculté d’invention appuyée sur le sentiment des faits connus n’est-elle point un des apanages du savant et de l’historien ? Quelques croyans lui reprocheront peut-

  1. Une école de demoiselles a été dernièrement attachée à l’établissement de Sydenham : pour 2 ou 3 guinées par trimestre, chaque élève peut assister à un cours, jouir à son gré de toutes les richesses intellectuelles du palais et avoir l’usage d’une bibliothèque ou cabinet de lecture composée de cinq mille volumes d’ouvrages écrits principalement sur les beaux-arts.