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de ses représentations. Ce n’est qu’à six heures que Mme de Luynes a su cette réponse ; elle avait été auparavant chez M. le cardinal (le cardinal de Fleury) lui rendre compte de l’embarras où elle se trouvait. M. le cardinal a paru entrer assez dans sa peine ; mais il lui a dit qu’il ne pouvait s’en mêler en aucune manière. »

Le duc de Luynes eut à attendre jusqu’en 1748 l’ordre du Saint-Esprit, qui lui était promis depuis longtemps. Ce fut ainsi qu’il expia la fermeté de la duchesse. Il fut très sensible à cette petite vengeance du roi. Lors de la promotion de 1746, dans laquelle il ne fut pas compris, il ne put cacher son profond chagrin et parla de quitter la cour lui et Mme de Luynes. Ils y tenaient un grand état ; le roi leur donna de bonnes paroles, et la reine, qui les appelait ses « honnêtes gens, » les pria affectueusement de ne la point abandonner. Ils cédèrent à ses instances et devinrent de plus en plus ses consolateurs et ses conseillers ; conseillers rendus parfois trop sages par le souvenir de la défaveur que leur avait value le peu de complaisance de la duchesse pour Mme de La Tournelle. Ils furent moins sévères pour Mme de Pompadour. D’abord étonnés de voir le roi prendre une maîtresse d’aussi mince condition, et un peu scandalisés d’entendre la nouvelle venue se servir de « termes et d’expressions » qui, nous dit le duc de Luynes, « paraissent extraordinaires dans ce pays-ci, » ils se laissèrent toucher par les égards de Mme de Pompadour pour la reine, et ils en vinrent à rendre à la favorite des services qui leur auraient sans doute paru indignes d’eux quelques années plus tôt : « Mme de Pompadour vint trouver ici avant hier (1er octobre 1746) Mme de Luynes pour lui dire qu’elle serait bien flattée que la reine, partant de Choisy pour Fontainebleau, voulût bien lui donner une place dans un de ses carrosses. Mme de Luynes en rendit compte à la reine. Cette proposition n’a pas été trop bien reçue ; Mme de Luynes a cherché à adoucir autant qu’il lui a été possible la peine qu’elle faisait à la reine, et a pris la liberté de lui représenter que lorsque Mme de Pompadour lui demandait une grâce, on pouvait être sûr que c’était de l’agrément du roi, qu’ainsi ce n’était point la personne de Mme de Pompadour dont il s’agissait, mais la personne même du roi, et que par conséquent ce serait une occasion de plaire au roi dont la reine profiterait. À ces réflexions on aurait pu en ajouter une dernière, si la reine avait été disposée à l’entendre : c’est que Mme de Pompadour cherche en toute occasion non-seulement à donner des marques de son respect à la reine, mais même tout ce qui peut lui être agréable. Mme de Luynes a diminué autant qu’il lui a été possible le désagrément du refus, en lui disant que la reine ne mène que deux carrosses, que par conséquent il n’y a que douze places, parce que Mesdames vont avec la reine ; que si cependant quelqu’une des