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ou plutôt les ruines qui, des confins de la Perse à ceux de l’Espagne, qui de la Mauritanie à l’Angleterre, portent l’empreinte visible de la conquête apostolique. À Rome du moins, bien qu’un critique éclairé ne doive pas admettre l’authenticité de tout ce qu’on lui montre ou lui raconte, il trouve encore çà et là sur le sol quelques marques non effacées des premiers pas de ces initiateurs vaillans et naïfs qui ont, sans s’en douter, répandu dans l’univers les fécondes semences de toutes les variétés de la foi universelle. Les maîtres ou les précurseurs de ceux qui devaient fonder ou propager la religion de l’Ecosse comme de l’Espagne, de la Russie comme des États-Unis, de ceux à qui l’humanité doit les leçons d’Origène, d’Athanase et d’Augustin, celles de saint Bernard et de saint Thomas, celles de Luther et de Calvin, tout, jusqu’aux poèmes de Dante et de Hilton, jusqu’à Saint-Pierre de Rome et à Notre-Dame de Paris, Polyeucte et Athalie, les Provinciales et Tartufe, l’orthodoxie guerrière de Bossuet, les témérités de Fénelon, les libres croyances du Vicaire savoyard, le rationalisme austère de Kant, le théisme évangélique de Channing ; les deux apôtres enfin qui semblent représenter les deux esprits du christianisme, Pierre et Paul, ces missionnaires presque inconnus de l’antiquité qu’ils allaient transformer, ont sans doute foulé cette terre de Saturne, saturnin tellus, où des nonnes habitent un palais des césars, où des capucins traînent leurs sandales sur la cendre des Fabius et des Scipion. De là tant de pensées pleines d’enseignement et de rêverie qui prêtent aux choses de Rome un accent et un charme solennel que ne peuvent effacer les misères et les puérilités mêlées à tant de grandeurs et de bienfaits.


I

Et cependant il n’y pas longtemps que ces réflexions se produisent naturellement à la vue de l’intérieur des palais pontificaux. Au Vatican, la Galleria lapidaria ou le musée des inscriptions est du à Gaetano Marini, qui l’a disposé par l’ordre de Pie VII. Encore se peut-il que le côté est de la galerie, contenant la série des inscriptions chrétiennes, ait été depuis lors complété et remanié. Dans tout le reste du palais, on ne trouvera guère que les reliques de l’art sublime de l’antiquité païenne ou de l’art savant de la semi-païenne renaissance, et tout y porte l’empreinte de la mondaine munificence de la papauté. Rien de moins religieux d’aspect que les résidences pontificales. Cependant, en faisant un musée du palais de Latran, Grégoire XVI l’a ramené à une destination moins royale et moins temporelle, et cette succursale du Vatican s’est peu à peu ouverte