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de descendre, rien n’est plus vraisemblable, et peut-être le respect pour la demeure des morts n’a-t-il pas toujours protégé les vivans ; mais ces extrémités ne devaient pas être habituelles ni durables. Les catacombes ne pouvaient guère recevoir, encore moins contenir longtemps une multitude fugitive. Saint Cyprien, qui raconte que le pape saint Sixte se retira dans celle de Saint-Calixte, ne lui donne que quatre diacres pour compagnons ; la mort vint l’y chercher, mais rien dans l’aspect de ces antiques asiles n’indique que la fureur officielle ou populaire y ait porté une dévastation continuelle et systématique.

Avec quelque respect qu’un chrétien y pénètre aujourd’hui, il se tromperait donc s’il croyait n’y marcher que, sur la cendre des martyrs. La gloire des confesseurs a laissé çà et là quelques vestiges ; mais, comme dans tous les cimetières, une multitude anonyme remplit presque toutes les places. Dans quelques-unes, on peut lire des noms qui ont été depuis insérés au martyrologe. Ces témoignages sont d’un saisissant intérêt, lors même qu’à certaines marques ils sont reconnus d’une date très postérieure à la mort de ceux dont ils honorent la mémoire. D’autres signes, par exemple des objets qui auraient pu servir d’instrumens de torture, des ampoules ou des fioles que l’on a crues jadis remplies d’un sang précieux, ont perdu la signification touchante qu’on leur avait attribuée. Les uns sont les outils de certains métiers, des ustensiles comme on en trouve dans les tombeaux profanes ; les autres portent quelquefois des inscriptions indiquant qu’elles ont pu contenir le vin eucharistique ; on cite surtout ces mots en grec : bois, tu vivras. Il se peut, il est vrai, par compensation, que plus d’un martyr ait été inhumé sans désignation, ou que les indices conservateurs de leurs noms aient disparu. Rien toutefois n’autorise à ne peupler les catacombes que des héros de la religion, et même on a pu supposer que dans quelques places d’autres que des chrétiens avaient trouvé leur dernier asile. Des emblèmes païens ont du moins été admis. On croit à l’existence de cimetières d’hérétiques : il y en avait un pour les Juifs ; mais en dehors de ces exceptions on sent que le christianisme, dès qu’il eut pris de la consistance, dut avoir des cimetières à lui. Telles sont les soixante catacombes que l’on croit exister autour de Rome, la plupart situées sur la rive gauche du Tibre, bordant les quinze routes consulaires, et toutes hors des murs de la cité, comme l’ordonnait la loi des douze tables : « qu’un homme mort ne soit ni enseveli ni brûlé dans la ville[1]. » Elles sont toutes creusées dans le tuf granulaire, aucune dans le tuf lithoïde. Elles suivent les couches

  1. Cic, De Leg., II, 23.