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IV

On voit que l’art des catacombes doit être en rapport avec un christianisme hellénistique. Il convient à des gentils convertis. Il est loin de ce formalisme mystique que ne tarda pas à subir l’esthétique de l’orthodoxie. Tout n’est pas cependant de fantaisie dans ces peintures. Un petit nombre de pensées et de faits presque toujours rendus symboliquement et par les mêmes symboles remplit les cadres de ce musée funéraire ; mais le style même des figures et de la décoration est libre, en ce sens qu’il garde presque toujours les allures de l’art antérieur. Tout ou presque tout est romain dans la représentation de ces scènes du monde oriental. Rarement se montre l’effort d’inventer, dans le fond comme dans les accessoires, un genre qui ait une physionomie propre, d’assigner aux personnages et aux emblèmes un caractère neuf, distinct, incommunicable, qui soit chrétien et ne soit que chrétien. Ce n’est pas la peinture des catacombes qui a déterminé la direction ultérieure de l’art religieux. Cette circonstance serait plus particulièrement intéressante à étudier, si l’on pouvait avec plus de précision fixer la date des ouvrages et distinguer toujours avec certitude ce qui a précédé et ce qui a suivi l’émancipation politique de la religion chrétienne par la conversion opportune de Constantin.

Cependant on reconnaît tout d’abord que le système décoratif est, dans sa généralité, imité des anciens caveaux de sépulture romaine. Il était donné par la disposition locale. Il n’y a pas beaucoup de manières de peindre les parois et les voûtes d’un souterrain. Les compartimens, les encadremens, les guirlandes, enfin la partie purement ornementale est donc tout antique, et, aux sujets près, le premier aspect rappelle, avec une exécution un peu plus grossière et moins de variété, les peintures de Pompéi et d’Herculanum ; mais la pensée est, comme on le sent, fort différente. Cette pensée si nouvelle alors, et qui tendait à le devenir davantage, n’innove pourtant que le moins possible dans les formes qu’elle affecte pour s’exprimer. Ainsi les fleurs, les palmes, le phénix, les vendanges, les repas, tous ces emblèmes funèbres de l’art païen se reproduisent, interprétés et comme consacrés à nouveau par une foi plus ferme et plus distincte. La religion, voisine de son berceau, ne s’était pas encore assez emparée des esprits et des mœurs pour oser aisément se créer des signes et des types dont elle ne trouvait pas les analogues dans les traditions de l’art figuratif. Il semble même qu’elle choisît de préférence dans l’Écriture les sujets qui, tels que le déluge, l’aventure de Jonas, le bon pasteur, etc., trouvaient dans certaines