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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/1011

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le coup, M. de Persigny à son prochain ministère ne pourra plus nous parler des vieux partis : les partis vont être heureusement rajeunis par les fraîches recrues que nos lycées leur enverront chaque année. La libellé de discussion régnera dans ces cours d’histoire et de politique, car sans liberté de critique pas d’histoire. Heureux adolescens! voilà un nouveau privilège que, nous autres barbons, nous allons être réduits à leur envier! Ils pourront professer l’opinion qu’il voudront sans être, comme nous, soumis à la discipline des avertissemens. Les éloges de M. le ministre de l’instruction publique sortent des redites de l’adulation banale. « Messieurs, a-t-il dit aux lauréats, l’homme le plus véritablement libéral de l’empire, c’est l’empereur. » C’est un heureux signe du temps que l’éloge le plus délicat qui puisse être fait du souverain soit la proclamation de son libéralisme. Parmi les supériorités que les sujets sont tenus d’admettre dans la personne du monarque, la supériorité du libéralisme est celle devant laquelle nous sommes prêts, pour notre part, à nous incliner le plus volontiers. Oublions donc le régime des avertissemens, oublions la loi de sûreté générale, oublions les maires destitués pour avoir appuyé dans les élections des candidats qui n’étaient pas officiels, ou même pour s’être présentés eux-mêmes sans le patronage du gouvernement aux suffrages de leurs concitoyens. Ces taches dans le libéralisme de notre politique intérieure ne tarderont point à être effacées. Le libéralisme de l’empereur sera contagieux, et ne peut manquer d’atteindre bientôt nos ministres et nos chambres. Nous ne vivons plus en effet sous le régime parlementaire, où l’on eût pu dire du libéralisme de la couronne, contrarié par des ministres responsables et une majorité indocile : Il règne et ne gouverne pas.

Nous ne pouvons terminer ces lignes sans mêler nos regrets à ceux que la mort prématurée de M. Eugène Delacroix a inspirés à toute la presse. Un grand génie vient de s’éteindre avec lui dans le monde de l’art, et l’esprit français vient de perdre un de ses plus brillans représentans. Ceux mêmes qui ont le plus contesté l’œuvre de Delacroix avoueront que l’énergie de ce peintre hardi avait donné un puissant élan à notre école contemporaine’. Eugène Delacroix était une de ces natures qui ont soif de la vie, qui la cherchent et la reproduisent sous ses formes les plus diverses : avoir cette passion de la vie, c’est en même temps avoir la haine et le mépris du convenu, de la routine, de la règle officielle; c’est aimer la lutte, c’est être militant. Eugène Delacroix, avec une culture intellectuelle et littéraire délicate et raffinée, qui a été plus d’une fois goûtée par nos lecteurs, a été dans son art un infatigable lutteur. De tels hommes sont le sel de la terre, et quand on les voit disparaître, il semble que l’on se sente envahir par l’aridité du désert.


E. FORCADE.


Les relations des puissances occidentales avec les deux grands empires de l’extrême Orient, la Chine et le Japon, sont entrées depuis peu de temps