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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/217

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inquisitoriales ? quelles peines infliger qui ne fussent illusoires ? Déjà, pour l’inspection des manufactures, on avait pu voir ce qu’une surveillance sérieuse éprouvait d’empêchemens et causait de répugnances ; en réalité, on s’en était remis à la loyauté des fabricans et au contrôle de la notoriété publique. Pour les petits ateliers disséminés, le cas était tout autre : il eût fallu porter atteinte au respect du domicile, que les Anglais professent au plus haut degré. Personne n’a songé à faire cette violence aux mœurs et aux traditions du pays. Tout s’est borné à rechercher si, parmi les industries qui abusaient de leurs franchises, il n’en existait pas qu’on pût faire entrer dans les cadres de la loi en vigueur, par exemple celles qui se rapprochaient le plus des conditions de l’atelier commun. C’est ainsi que successivement les apprêts, le blanchiment, la teinture, la fabrication des tissus à mailles sont devenus justiciables de la législation sur le travail des manufactures. Un autre détail a fixé l’attention du parlement : c’est le louage des bras et le contrat d’apprentissage. Ce contrat avait constitué jusqu’alors une sorte de servitude, qui enchaînait jusqu’à l’âge de vingt et un ans ceux qui s’y étaient soumis. D’indignes parens y trouvaient l’occasion de marchés d’où ils tiraient une somme d’argent qu’ils dissipaient dans leurs débauches. Un acte de 1844 a fixé de nouvelles règles pour ces contrats. Il investit les commissaires de la loi des pauvres d’un droit d’intervention dans le louage et l’apprentissage des enfans. Désormais nul d’entre eux ne peut être engagé comme apprenti, s’il n’est âgé de neuf ans et ne sait lire et écrire ; il ne peut être engagé pour plus de neuf ans, et s’il a quatorze ans, son consentement est de rigueur. Malheureusement ces stipulations ne s’appliquent qu’aux paroisses qui sont sous le régime de la loi des pauvres, ce qui exclut de leur bénéfice le dixième environ de la population.

Malgré tout, il y a là un domaine qui reste ouvert à de plus amples réformes : beaucoup d’enfans sont encore surmenés et excédés de travail ; un plus grand nombre est privé, par une tâche trop continue, des avantages de l’éducation. Ce ne sont pas les écoles qui manquent ; elles abondent même dans les districts ruraux, et les immunités de la rétribution sont partout offertes par la bienfaisance privée. C’est la forme la plus commode, la plus économique de la charité : pour 6 shillings par an, on ouvre à un enfant les portes de l’école, et c’est à l’envi qu’on s’y prête. La résistance ne vient que des familles qui spéculent sur le travail des enfans et le profit qu’elles en tirent. Le goût de l’éducation, en se répandant, corrigera ces mauvais sentimens ; les parens qui l’auront reçue ne la refuseront plus à leurs enfans ; leur dignité se relèvera, leurs mœurs s’amélioreront, et ils ne voudront plus, pour un misérable intérêt,