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condamner leurs familles à une déchéance. C’est un travail d’avancement qui, lent à s’accomplir, n’en sera que plus sûr. De grands cadres ont été formés avec une libéralité qui sera l’honneur de notre siècle : beaucoup y sont entrés, peu à peu tous y entreront, sans qu’il soit nécessaire d’en faire une obligation. Il suffit, pour que l’instruction étende son domaine, qu’on sente de mieux en mieux ce qu’elle vaut et ce qu’elle rend. Le plus sage est de compter sur son attrait, et non de la présenter comme une gêne ou une contrainte exercée sur les volontés.

Tels sont les établissemens qui occupent, dans le royaume-uni, les derniers degrés de l’enseignement populaire. Ils n’ont pas été créés tout d’une pièce et avec un sentiment d’unité ; ils sont le produit d’efforts successifs, et n’ont ni le même régime, ni les mêmes cliens. Le point par lequel ils se rapprochent est une sorte de concert pour qu’aucune classe de la population, si abandonnée, si viciée qu’elle soit, ne se dérobe aux influences d’une certaine culture intellectuelle. Ce mouvement s’est produit peu à peu, de proche en proche ; après les enfans des manufactures, il a gagné les enfans des pénitenciers et des maisons des pauvres pour s’étendre dans les ragged schools aux enfans abandonnés ou vagabonds. Ces services, tels qu’ils sont décrits dans l’enquête dont j’ai indiqué les principaux résultats, laissent beaucoup à désirer encore. Les faits restent évidemment au-dessous des intentions : on éprouve une certaine impatience au récit d’échecs multipliés ; on s’étonne que tant de forces mises en jeu n’aboutissent qu’à de médiocres résultats. Accepter sans réserve cette impression serait toutefois une injustice. L’enseignement populaire est toujours et partout une œuvre ingrate, difficile, de quelque façon qu’on y procède, soit par le monopole, soit par la liberté. Seulement, avec le monopole, les mécomptes sont couverts par le silence, tandis qu’avec la liberté ils sont exagérés par le bruit qu’on en fait. C’est déjà un bien que de tels établissemens existent, même dans des conditions défectueuses ; les améliorations viendront avec le temps. C’est ensuite d’un bon exemple que devant les empiétemens de l’état l’action privée s’affirme de plus en plus, garde ses positions et donne des signes de puissance.

Dans les catégories d’écoles qui ont passé sous nos yeux, peut-être s’étonnera-t-on qu’il n’y ait point de place pour un genre nouveau, préconisé à grand bruit et sur lequel notre université fonde de belles espérances. Je veux parler des écoles dites professionnelles. Certes, s’il est un pays propre au développement de ces institutions, c’est l’Angleterre. Nulle partie besoin d’avoir de bons ouvriers n’est mieux senti et nulle part aussi on n’est mieux disposé à payer largement leurs services. Nos voisins pourtant n’ont rien