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physionomie à part dans la mêlée contemporaine, la physionomie d’un homme qui a plus de tempérament que de vocation spirituelle, plus de passion de combattre et de blesser que de dévouement intelligent à sa foi, plus de haine que d’idées, plus de vanité bruyante que d’autorité morale. Voilà vingt ans que M. Louis Veuillot donne libre carrière à son irascible et batailleuse humeur. Amis et ennemis, clercs et laïques ont eu à essuyer ses coups ; la religion, qu’il croit défendre, lui doit assurément plus de blessures que de victoires ; lui-même il s’use à la fin dans cet épanchement continu de colère verbeuse, et, après tant de querelles qui vont se perdre dans l’ossuaire confus de Mélanges en douze tomes, où en est-il ? Comment finit-il ? Il écrivait hier le Parfum de Rome, il écrit aujourd’hui, hélas ! ses Satires. Ce qu’il a dit cent fois en prose, il le redit en vers : il se répète. Cette verve de journaliste qui a eu sa vigueur s’amincit en hémistiches équivoques, et de ses polémiques d’autrefois M. Louis Veuillot ne garde que l’habitude de se croire l’interprète juré de Dieu en vers comme en prose, et de vilipender les hommes vivans ou morts.

Certes, dans le temps où nous vivons, lorsque les passions et les idées se heurtent dans la discussion publique, ce n’est pas le moment pour les grandes doctrines qui ont gouverné le monde de se cacher et de fuir le combat. Au milieu de cette vie nouvelle créée et dominée par les principes de la révolution française, ce n’est pas seulement un droit, c’est un devoir pour le catholicisme d’accepter ces conditions d’une époque militante. Politiquement diminué, dépouillé de tout privilège de domination exclusive et des périlleux avantages inhérens aux religions d’état, il n’avait plus qu’un moyen, c’était l’action spirituelle, l’intervention dans la lutte des opinions, non pour reconquérir des biens perdus et faire rétrograder la société en la menaçant de nouveaux-pactes d’absolutisme, mais pour maintenir l’autorité de ses interprétations et la supériorité de la loi morale par la discussion, par la science, par la liberté et dans la liberté. C’était le rôle naturel du catholicisme dans notre temps, et s’il est un fait a regretter, ce n’est point que l’église catholique intervienne dans les controverses qui s’agitent, c’est qu’elle ne se mêle point assez au contraire à ces controverses, ou du moins qu’elle ne se mêle qu’aux querelles de passion et qu’elle reste trop souvent étrangère aux grands et sérieux débats ouverts par la critique historique et philosophique. Sous ce rapport donc, les polémiques et les polémistes n’ont rien d’imprévu. Luttez et combattez, c’est le règne des polémiques, du travail de l’esprit.

Ce principe de discussion une fois admis, certes l’ironie elle-même n’est point proscrite. L’ironie n’est pas près de s’éteindre dans le monde faute d’aliment, et on peut aimer son siècle dans