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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/434

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d’études préalables ! que de probabilités à calculer ! Ah ! qu’on ne rie pas des cent pages d’équations que remplit tel mathématicien pour démontrer la meilleure forme d’un rail ou d’une roue ; qu’on ne s’étonne pas que tel savant demande avec tant de labeur à la nature le secret de ses formes toujours si judicieuses ! Malheureusement les difficultés de cette étude sont si grandes que souvent, à force de creuser la science, il vient une heure où l’on s’y perd, au moins pour quelque temps, au milieu des contradictions. C’est un grand danger ; c’est par ces incertitudes de la science que des catastrophes arrivent trop souvent, et, il faut bien le dire, la mécanique, ainsi que la chimie et la physique, dont elle s’inspire ; en est un peu là pour le moment. Que de théories admises hier sont aujourd’hui contestées ! Qu’est-ce que l’acier ? Les métaux changent-ils pu non de structure et de résistance avec le temps ? Que.de questions semblables dont il faut qu’au milieu de controverses passionnées la part soit faite par l’ingénieur dressant ses plans et choisissant les matériaux d’un chemin de fer !

Ces plans achevés, les matériaux choisis, les types adoptés, les proportions convenues, il reste à faire exécuter les terrassemens par un entrepreneur et les machines par un constructeur. Trop longtemps l’exécution de nos chemins de fer et de leur matériel fut confiée aux Anglais et aux Belges, qui nous avaient devancés dans cet art où maintenant on nous imite. La compagnie du Nord, la première, demanda tout à l’industrie française, et aussitôt se reproduisit l’élan industriel qui avait eu lieu en 1840 pour les constructions maritimes. Pendant que de grandes entreprises de terrassemens s’organisaient, il s’élevait à Paris, au Creusot, en Flandre, en Alsace des ateliers qui ne le cédaient en rien aux célèbres fabriques de Manchester, de Liège et de Berlin, Aujourd’hui nous avons en France cinq constructeurs pouvant fournir annuellement quatre cents locomotives, dix grandes fabriques de wagons, seize principales forges ou fonderies de premier ordre et un nombre considérable d’usines spéciales en tout genre.

Nous disons spéciales, car n’est pas appelé qui veut à construire le matériel des chemins de fer. Pourquoi l’exclusion ? Elle est blâmable, sans doute, quand elle vient de la faveur ou du parti-pris, de l’esprit de corps ou du monopole ; mais elle s’explique, ici par la nécessité de ne confier qu’à des maisons éprouvées la création d’une œuvre où les erreurs ont de si terribles conséquences. La loyauté et le savoir vulgaire ne suffisent pas : il faut un système arrêté de travail, un outillage adapté à chaque détail et des soins incessans ; il faut, en un mot, ce qu’on nomme une spécialité. On est devenu d’une singulière exigence dans les constructions, et l’on a raison ;