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la mécanique est maintenant un art où l’on n’accepte plus l’œuvre grossière des anciens charrons.

Comment s’élever enfin à la perfection voulue pour tous ces organes se comptant par milliers, dont chacun passe par tant de mains, du fondeur à l’affineur, puis au forgeron, d’où il arrive successivement au traceur, aux ajusteurs, enfin aux monteurs? — Il y a pour cela deux garanties de sécurité : d’abord les types de pièces se réduisent au moindre nombre possible; chaque pièce se fait avec précision sur un outil réglé une fois pour toutes, et d’après une matrice ou modèle aciéré que l’ouvrier ne peut limer pour l’altérer; puis on la vérifie d’un seul coup de main avec un instrument analogue, nommé, jauge ou gabarit, qui doit s’y rapporter exactement. L’autre garantie, c’est que le travail est combiné de manière à fournir un contrôle respectif des ouvriers malgré eux, en sorte que l’action de l’un vient révéler à temps la négligence de l’autre. Il y a des usines, où le métal des roues et essieux se choisit à la main, morceau par morceau; il y a une aciérie où le chef lui-même fait le triage des lingots. Dans un bon atelier, aucune pièce n’est livrée sans avoir été reçue, éprouvée, vue pour ainsi dire à la loupe par plusieurs hommes spéciaux qui se complètent. La supériorité de certaines usines d’Angleterre et d’Allemagne a souvent appelé l’attention de la France. Nous-même, chargé d’une mission spéciale, avons visité les usines d’outre-Manche, tandis que d’autres explorations se poursuivaient en Allemagne, où l’industrie métallurgique fait des progrès plus remarquables encore peut-être qu’en Angleterre. Nous avons pu reconnaître que les usines les plus célèbres de l’Angleterre ne devaient leur supériorité ni à des secrets impénétrables, ni à des conditions purement locales. Le triage minutieux des matières, le rebut sévère des pièces imparfaites, voilà ce qui explique l’importance des grandes fabriques du Yorkshire, de Manchester, de Glasgow : voilà ce qui assurera quelque jour aussi la supériorité à nos usines françaises.


II

Quand la voie est terminée, quand le matériel est sorti de l’atelier, surviennent de longs essais et même des épreuves, dites à outrance, qui en font bien vite apprécier les qualités et les ressources. Prenons pour exemple la locomotive. Elle a été éprouvée à froid, puis à chaud; l’agent de l’autorité administrative a contrôlé les proportions réglementaires, poinçonné les réservoirs de vapeur et les appareils de sûreté. L’inspecteur de la compagnie, qui a vu fabriquer la machine pièce à pièce et qui connaît les côtés douteux à