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surveiller, fait ensuite allumer le foyer ; il monte sur la plate-forme ; avec lui sont un mécanicien d’élite, le contre-maître des ateliers, l’ingénieur de l’état qui délivrera le permis de service. On fait un voyage à blanc, c’est-à-dire sans charge utile remorquée. La vitesse et l’effort de traction sont poussés dans des essais successifs au-delà des limites de régime. Tout ayant bien marché, la machine est admise à faire le service des gares et de la banlieue, en restant sous les yeux des chefs de la compagnie. Au terme de ce noviciat, et après la révision des défectuosités inévitables qui avaient échappé, elle entre dans le service courant. Des mesures analogues sont appliquées, suivant le degré d’importance, à toutes les pièces du matériel.

Quelque parfait que soit un matériel mécanique mis en activité après tant de soins, il se fatigue bientôt en raison du travail. Un navire à la fin d’une campagne, une batterie d’artillerie qui revient d’expédition, une locomotive après six mois de parcours, sont en triste état ; l’usure parvenue à un certain degré dégénère vite en délabrement, et alors disparaît la sécurité. Nulle part l’usure n’est aussi rapide que sur les chemins de fer, où les organes, réduits au minimum de poids et de volume, sont animés d’une très grande vitesse ; mais les ressources de réparation immédiate, dont ne peuvent disposer ni la marine ni l’artillerie, les chemins de fer les possèdent dans des ateliers disséminés le long de la voie, de telle sorte qu’on peut arrêter les avaries au début, — soit sur place, durant le trajet même, sans autre inconvénient qu’un léger retard, soit en changeant de machine à la station la plus rapprochée, où tout a été préparé au premier avis transmis par le télégraphe.

Ce n’est pas assez : il faut combattre jusqu’au principe des avaries. On n’attend donc pas que le matériel refuse son service : quand il a fait un parcours donné, et que l’on peut craindre que l’usure ne dégénère en délabrement, le matériel rentre aux ateliers pour être soumis au moins à l’inspection. Afin de déterminer ces époques de retrait de service, les compagnies dressent une statistique, qui constitue l’un des plus curieux élémens de la science de l’exploitation. La statistique des chemins de fer a été l’objet de quelques critiques. On a condamné les complications administratives qu’elle entraîne ; on a même dit qu’elle fournit des données contradictoires. C’est qu’alors elle s’est attachée trop exclusivement aux faits matériels, sans tenir compte des circonstances locales qu’une statistique bien dressée doit enregistrer, car dans l’application, loin que tout soit absolu comme en mathématiques, où l’on ne voit qu’un problème abstrait, il y a toujours des lois diverses à coordonner suivant les temps et les lieux. Il s’agit par exemple de deux types de machines :