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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/582

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rieux avec le Talmud, l’érudition orientale qui poursuit jusqu’à la moindre trace d’une idée ou d’une image venant des peuples ou des livres de la Haute-Asie ! mais ma pensée revient toujours à cette prédication errante par laquelle le doux prophète se révéla aux humbles populations de la Galilée. Elle ne peut se détacher de cette image idéale et vague de Jésus, que le vague même rend plus touchante. Elle le suit dans ces paysages riches et âpres à la fois, sur les eaux ou les bords du lac, ou sur la pente des montagnes, homme à part au milieu d’une foule qui tranche elle-même si vivement sur le reste des hommes. C’est là ce qu’il faillit rendre par-dessus tout, et c’est là aussi ce qu’il y avait de plus difficile à rendre. M. Renan Fa fait avec un bonheur qui permet de dire qu’en plus d’un endroit il a été jusqu’au parfait.

Par un premier fruit de ce travail, il s’est trouvé dispensé de discuter dans son livre l’opinion paradoxale qui va jusqu’à nier, ou tout au moins à mettre en doute l’existence même de Jésus. Il n’en a parlé qu’en passant, dans son introduction, pour défendre le docteur Strauss, et cela avec toute justice, de l’imputation d’avoir soutenu cette idée. Je ne crois pas en effet qu’une hypothèse si hardie puisse tenir contre la simple impression des Évangiles, et celui qui sait faire passer cette impression dans son récit ruine par cela seul l’hypothèse. On peut se demander d’où elle est née. C’est d’abord de ce que la biographie de Jésus a d’insuffisant, puisqu’on n’y trouve pas un fait de détail qui ne soit contestable et contesté, et en effet d’une part les récits évangéliques divergent jusqu’à la contradiction, et de l’autre les écrivains du dehors gardent sur Jésus un silence complet, si on n’admet pas le texte de Josèphe, que, quant à moi, je ne puis admettre. C’est aussi qu’on avait reconnu ou cru reconnaître dans la légende chrétienne la trace d’idées astronomiques communes à diverses religions. Le jour sacré du christianisme est le jour du soleil ; Jésus a douze apôtres, comme le soleil a douze signes ; Jésus naît au solstice d’hiver, c’est-à-dire à l’heure où les jours recommencent à croître ; il ressuscite à l’équinoxe du printemps, quand les jours deviennent plus longs que les nuits, et qu’ainsi la lumière prend le dessus sur les ténèbres. Mais premièrement on trouve du silence des textes des explications suffisantes, et qui ne permettent pas même de s’en étonner ; secondement il n’y a aucune trace, dans les monumens primitifs du christianisme, ni du jour du soleil, ni de la date astronomique fixée plus tard pour la naissance de Jésus : ce ne sont pas les Évangiles qui mettent la Noël à cette date. La fixation de la Pâque chrétienne s’est trouvée déterminée par celle de la Pâque juive, comme le chiffre des douze apôtres par celui des douze tribus, et s’il y a là des traditions as-