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peu régulières ; la ville et les environs immédiats sont dépourvus d’attraits. L’appât du gain qu’offre un commerce assez lucratif, quoique pénible, y retient les négocians : les devoirs de leur emploi obligent les fonctionnaires et officiers à y résider pendant quelque temps ; mais tous seraient prêts à s’en éloigner au premier appel, et ceux qui ont connu Nagasacki et Yokohama ne parlent qu’avec dédain de Hakodadé, le troisième et le moins important des ports japonais ouverts au commerce étranger. — Nous le quittâmes le 9 décembre, n’emportant qu’un seul bon souvenir, celui de l’hospitalité des étrangers que nous y avions rencontrés. Le prochain but de notre voyage était Yokohama. Aucun accident ne signala notre traversée ; nous débouchâmes facilement du détroit de Tsoungar, et après avoir longé pendant trois jours la côte orientale de la grande île de Nippon, nous entrâmes, au milieu de la nuit du 13 décembre, dans la baie de Yédo, au fond de laquelle se trouvent Yokohama, Kanagava et Yédo, sièges principaux des relations politiques et commerciales de l’Occident avec l’empire du Japon.


III.

Le golfe de Yédo est d’un aspect grandiose : il s’étend du nord au sud sur une longueur de trente-quatre milles, et contient beaucoup d’excellens ports, parmi lesquels ceux de Yokohama, de Kanagava et de Yédo proprement dit sont visités sans cesse par les navires étrangers. Après avoir dépassé un groupe nombreux d’îles et d’îlots, on entre dans le golfe en laissant à droite le cap Souvaki, et à gauche le cap Sagami. Cette entrée a neuf milles de large ; mais vers le milieu la mer se rétrécit et n’offre plus qu’un passage de six milles. En avançant un peu au nord et en face de l’îlot de Webster, un banc de sable se détache de la côte orientale et barre la mer dans une longueur considérable ; c’est un endroit fort dangereux et qui a causé un grand nombre de sinistres maritimes. Au-delà, le golfe s’élargit de nouveau, et vers le fond, là où il baigne Yédo, son étendue de l’est à l’ouest n’atteint pas moins de vingt-deux milles. Sur ce point, il ressemble à un lac immense dont les rivages offrent un spectacle des plus pittoresques. Le roi de cet admirable panorama, c’est le pic de Fousi-Yama, la montagne sans pareille. Cette montagne se trouve à l’ouest du golfe et s’élève à douze mille quatre cent cinquante pieds au-dessus du niveau de la mer ; c’est un ancien volcan éteint depuis des siècles, et dont les flancs déchirés et bouleversés gardent encore les traces des révolutions dont il a été le théâtre. Les habitans de l’île sont fiers de cette montagne géante, du sommet de laquelle, suivant les légendes, les