Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

divinités supérieures président aux destinées de l’empire, et de toutes parts les Japonais s’y rendent en pèlerinage, les uns pour témoigner aux dieux leur gratitude, les autres pour conjurer leur colère.

Yokohama, qui s’élève sur la côte occidentale du golfe entre 139" 40’ de longitude est et 35° 26’ de latitude nord, ne doit son importance qu’aux relations de commerce qui, depuis la conclusion des derniers traités, ont commencé de s’établir entre Européens et Japonais. Au mois de mai 1859, c’était encore un de ces innombrables et insignifians villages qui se déploient sur une ligne à peine interrompue le long de la route et des sinuosités du golfe, et dont les noms particuliers ne sont plus connus au-delà d’une distance de quelques milles. Les ministres plénipotentiaires des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de la Hollande, M. Harris, lord Elgin, le baron Gros et M. Donker-Curtius, avaient cru d’une politique prudente et habile de choisir Kanagava pour la résidence future de leurs compatriotes. Kanagava, situé sur le tokaïdo, la grande route du Japon, à une faible distance du Yédo, au fond d’un havre commode et sûr, semblait en effet réunir toutes les qualités requises pour l’établissement des nouvelles communautés étrangères; mais ces qualités mêmes se changèrent en défauts aux yeux du gouvernement japonais. Des princes, des grands seigneurs, des fonctionnaires suivaient avec leur escorte la route de Kanagava pour se rendre à Yédo; on appréhendait que ce contact journalier n’amenât des querelles ou des insultes, ou peut-être, ce qui serait pire encore, une intimité trop grande entre Japonais et étrangers. Fidèle au système d’isolement qui prévaut au Japon depuis plusieurs siècles, la cour de Yédo résolut d’éloigner les étrangers de ce centre de population, et de les reléguer, sans en prévenir personne, dans un misérable village qui, loin de la grande route, sans importance, sans ressources, permettait d’exercer sur tout ce qui s’y passait une surveillance facile et complète. On y construisit à la hâte quelques bâtimens pour servir de magasins et de maisons d’habitation, et on les tint, avec des conditions très peu onéreuses, à la disposition des nouveaux alliés, qui, le 1er juin 1859, se présentèrent, au nom des traités, pour s’établir à Kanagava. Les ministres et consuls-généraux de la France, de l’Angleterre, des États-Unis et de la Hollande protestèrent contre les mesures arbitraires adoptées par le gouvernement japonais; mais, en attendant une réponse à leurs réclamations, il fallait loger les négocians qui avaient apporté des marchandises de toute espèce. Force fut de les installer provisoirement à Yokohama. Un laps de temps assez considérable s’écoula; l’affaire traîna en longueur, et lorsqu’on s’avisa enfin de la terminer en ac-