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d’Européens au Japon qui ne soient entourés de la petite troupe de serviteurs que je viens de désigner. Un kotzkoï, un betto, un momba, font partie des maisons les plus modestes. Aussi le maître, quel qu’il soit, prend vite le ton du commandement, et adopte vis-à-vis des indigènes des façons de grand seigneur qui deviennent un trait de caractère commun à tous les résidans des colonies lointaines. On a vu cette habitude dégénérer en orgueil hautain et ridicule ou en brutalité. Le plus souvent toutefois les domestiques japonais n’ont pas lieu de se plaindre de la condition qui leur est faite chez leurs maîtres européens, et ils la préfèrent à celle qui les attendrait chez leurs compatriotes.

Les étrangers forment à Yokohama une société presque entièrement composée de jeunes gens. Cette société a les défauts de la jeunesse, mais elle en a aussi les qualités. Si elle est vive et emportée, elle est généreuse et brave, et jusque dans ses écarts elle peut rester excusable. J’ai vécu pendant plus d’une année à Yokohama, j’y ai reçu partout un accueil cordial, et je tiens à protester contre le jugement sévère et mal fondé que les voyageurs de passage ont formulé sur l’esprit de la communauté étrangère de cette ville. Cet esprit n’est ni mauvais ni corrompu; c’est simplement l’esprit d’une société à peine formée, qui sort de l’enfance, et à laquelle manquent les goûts et les leçons de l’âge mûr. En revanche on y rencontre de l’abandon, de l’amabilité, de l’obligeance, surtout une ardeur qui contraste agréablement avec les allures réfléchies et nonchalantes des colons du tropiques. A Yokohama, on est