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construire au loin sur le plateau des landes. Ainsi nous savons que l’église de Lège a été rebâtie en 1480 et en 1660, la première fois à 4 kilomètres, la seconde à 3 kilomètres plus avant dans l’intérieur des terres. Nous savons aussi que l’ancienne église de Sainte-Hélène-Perdue a dû être abandonnée au bord des marais que l’étang de Carcans poussait devant lui dans sa marche vers l’est ; mais les étapes successives des autres localités de la même zone ne sont pas connues d’une manière précise. Quant aux bourgs aujourd’hui disparus de Lislan, de Lélos et d’Anchise, ou ignore jusqu’à leur ancien emplacement.

Les dunes ont été souvent comparées à des sabliers gigantesques mesurant le temps par la marche progressive de leurs talus de sable. La comparaison est juste, car les vents d’ouest qui opèrent tous ces changemens sur le littoral des landes obéissent à présent aux mêmes lois qu’il y a des milliers d’années, et très probablement leur force n’a pas changé pendant cet intervalle de temps. Les dunes, les étangs et même les villages riverains peuvent donc être considérés connue de véritables chronomètres géologiques ; mais par malheur les indications qu’ils fournissent n’ont pas encore été déchiffrées d’une manière certaine, et maintenant que les dunes sont fixées, il est trop tard pour entreprendre cette étude. L’illustre Brémontier, dont le livre, imprimé en l’an v de la république, est encore l’autorité principale sur la question des sables mouvans, a fait pendant huit années une série d’observations qui lui ont donné une moyenne de 20 à 25 mètres pour le progrès annuel des dunes de La Teste. Ce résultat s’accorde d’une manière remarquable avec les indications fournies par les empiétemens des dunes de Lège pendant les quatre cents dernières années. En admettant comme normale la moyenne calculée par Brémontier, on arriverait à cette conclusion que dans un laps de temps de vingt siècles les dunes auraient pu envahir toute la zone des landes et recouvrir la ville de Bordeaux : il eût même suffi de mille ans pour transformer en marécages les belles campagnes du Bordelais, car les étangs, repoussés constamment par les dunes envahissantes, se seraient abîmés du côté de l’est en déluges successifs aussitôt après avoir dépassé la ligne culminante du plateau des landes. Il est probable que des recherches entreprises en d’autres lieux auraient pleinement confirmé les observations faites par Brémontier ; cependant, en l’absence de ces recherches, on ne peut accepter comme s’appliquant à toute l’armée des sables, de Bayonne à la pointe de Grave, des mesures faites au pied d’un groupe de dunes isolées : pour se prononcer définitivement, il faut attendre les observations que les savans ne manqueront point de faire sur la marche des dunes dans