Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/717

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

A lua esta sahindo,
Maï ! Maï !
A lua osta sahindo,
Maï ! Maï !
As sote estrellas estao chorando,
Maï! Maï!
Por s’acharem desamparadas,
Maï! Maï[1]!


Sur les dix heures. Je m’endormis; mais vers quatre heures du matin Juan Mendez m’éveilla pour me donner le plaisir de voir le petit schooner sillonner la vague en fuyant devant une forte brise. La nuit était d’une transparence admirable. Il faisait presque froid. La lune se découpait nettement sur le ciel, d’un sombre azur, et un large feston d’écume devançait la proue enfouie dans l’eau qui lui livrait passage en frémissant. Les hommes de l’équipage avaient allumé du feu sur le pont pour se fabriquer une espèce de thé avec une herbe acide (erva cidreira) dont ils avaient fait ample provision à leur dernier débarquement, et les flammes montaient gaîment vers le ciel. C’est dans de tels momens qu’on goûte le mieux la volupté d’une navigation sur les Amazones, et on ne s’étonne plus alors de l’espèce de passion que témoignent une foule de gens, — étrangers aussi bien qu’indigènes, — pour cette existence errante et hasardeuse. »


Caméta, — la ville où M. Bates débarqua dans le courant de cette même matinée, — est le chef-lieu d’un vaste district qui compte vingt mille habitans à peine, et qui n’en est pas moins le plus peuplé de la province de Pará. Ville et district ont conservé, légèrement altéré toutefois, le nom des Camutas, la plus considérable des tribus indiennes qui occupaient la rive orientale des Tocantins à l’époque où y arrivèrent les premiers colons portugais. Les Camutas étaient une race supérieure, déjà fixée au sol, adonnée à l’agriculture, et qui reçut à bras ouverts les émigrans blancs attirés par la fertilité, la beauté, la salubrité du pays qu’elle habitait. Presque tous les nouveau-venus étaient du sexe mâle, la plupart jeunes encore. Les Indiennes, outre leurs attraits personnels, avaient toutes les qualités qui assurent le bonheur d’une famille. Le mélange des deux races fut bientôt complet. Plus tard se fit l’immixtion du sang nègre, due à l’esclavage, qui s’est longtemps perpétué dans les institutions brésiliennes. Tous ces faits ont constitué à Caméta une population généralement hybride, au sein de laquelle on distingue à peine quelques blancs, presque tous Portugais, et deux ou trois familles brésiliennes, provenant d’ancêtres européens. Elle est renommée dans toute la province pour sa persévérante énergie et son

  1. « La lune se lève, — mère! mère! — Les sept étoiles (les pléiades) vont, pleurant, — mère! mère! — de se trouver abandonnées, — mère! mère! »