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« LE JEUNE HOMME. — Mais, mon ami, le mouvement perpétuel est une chimère!

« LE VIEILLARD. — A qui le dis-tu? Mais en cherchant cela on trouve toujours quelque chose! Tiens, tu ne sauras jamais rien inventer! » (Il frappe sa tête avec bruit sur le bois. Tous deux disparaissent.)

NANNI.

Eh bien ! monsieur Tyss, cela vous rend triste?

PÉRÉGRINUS.

Oui, toujours des reproches! Est-ce ma faute, si...

NANNI.

Mais c’est une marionnette ou un esprit fâché qui dit tout cela?... Ah! les voilà qui reviennent. Cela me fait peur et m’amuse en même temps.


LES MARIONNETTES.
LE VIEILLARD, UN HOMME HABILLÉ COMME PÉRÉGRINUS.


« LE VIEILLARD. — Pérégrinus, mon ami, tu dis que tu aimes cette bonne fille? »

NANNI, interrompant, et regardant Pérégrinus.

Ah! qui donc? .

PÉRÉGRINUS.

Je n’ai rien dit!

« LA MARIONNETTE DE PÉRÉGRINUS. — Oui, j’aime Nanni de toute mon âme, mais je n’oserai jamais le lui dire

« LE VIEILLARD. — Alors, mon pauvre garçon, tu ne sauras jamais te faire aimer! »


NANNI, se levant et interpellant les marionnettes, qui disparaissen, et dont la toile se ferme.

Ce n’est pas vrai!

PÉRÉGRINUS, tombant à ses pieds.

Chère Nanni, que dites-vous ?... Serait-il possible? Ah! répétez-le, ce que vous avez dit là!

NANNI.

Mon Dieu, je n’en sais plus rien, monsieur Tyss! Je crois que je viens de rêver! Étiez-vous là? Avons-nous vu et entendu?...

PÉRÉGRINUS.

Si c’est un rêve, Nanni, nous l’avons fait tous deux. Nous avons vu les fantômes de mes souvenirs, nous avons entendu les voix de mon passé. Ces petits personnages sont sans doute des esprits familiers, de bons lutins qui, dans leur naïveté grondeuse, ont résumé les misères du pauvre homme que je suis, mon enfance craintive, ma jeunesse timide, mon âge mûr défiant! Mais cette défiance n’est qu’envers moi-même, Nanni! Si vous saviez ce qu’il y a en moi de confiance et de respect... Ma paresse est dans l’esprit, elle n’est pas dans le cœur. Seulement je suis gauche, et ma langue ne rend pas mieux mes sentimens que mes idées. (Les portes s’ouvrent.) Mais tenez, les portes se rouvrent d’elles-mêmes... Le bon génie qui me gourmande m’assistera peut-être. Allons trouver vos parens, et devant eux, ne craignant plus de vous offenser, je crois que j’oserai dire tout ce que j’ai dans l’âme !