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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/935

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extraordinaire vraiment utile, combien de nuisibles! (Citons entre autres un droit établi pour la marque des chapeaux : il produisit d’abord 200,000 livres, mais il finit par ruiner l’industrie de la chapellerie, jusque-là fort prospère dans le royaume.

Absorbé par ces déplorables expédiens, tout entier aux propositions dont les traitans ne ressaient de l’entretenir, le contrôleur-général cessa de donner son attention à des détails de service qui avaient pourtant une importance capitale. « Entre les désordres qui se glissèrent alors dans les finances, dit Forbonnais, celui de la tenue des livres des comptables devint un des plus ruineux. La forme des journaux, si soigneusement établie par Colbert, fut négligée: l’obscurité s’y mit : les receveurs firent valoir à gros intérêts l’argent de leur caisse... La guerre aida le ministre à croire ce que les receveurs avoient intérêt qu’il crût, c’est-à-dire que les recouvremens languissoient à cause de la misère : ils ne furent pourtant jamais si durs. » Forbonnais estime que les suites de cette incurie firent perdre 300 millions à l’état de 1689 à 1715. Enfin le désordre et la faiblesse furent poussés si loin que le ministre chargea plus d’une fois des traitans du soin de faire rentrer, à des conditions onéreuses pour le trésor, les sommes dues par les comptables en retard.

Si maintenant on ajoute aux misères d’une longue guerre, à la ruine à peu près complète de l’industrie, à la multitude des affaires extraordinaires, à la dureté des percepteurs si peu profitable à l’état, une législation sur les grains sans règle ni stabilité, on se fera une idée de la situation générale du royaume. Ce défaut de fixité, qui est le reproche le plus grave qu’on puisse faire à l’administration de Colbert, avait de son temps causé des disettes cruelles. Moins porté à intervenir, à se mêler de tout, à tout régler. Le Peletier avait laissé plus de liberté aux cultivateurs, et, la culture s’étant accrue, régularisée, les exportations avaient vivifié les campagnes. L’abandon de ces sages principes, joint aux autres causes que nous venons d’énumérer, amena de nouvelles disettes. L’année 1693 fut, sous ce rapport, une des plus difficiles pour Pontchartrain. Le 20 septembre, après avoir entretenu le premier président de Harlay du projet qu’avait le roi de soulager les pauvres de Paris, il ajoutait : « Quelque bon que soit le dessein, il a pour inconvéniens d’attirer les pauvres de toutes parts, de rendre la campagne déserte, de multiplier et d’assembler la canaille, et de se rendre dépendant de cette multitude toujours dangereuse, pour continuer plus longtemps qu’on ne voudroit, et même qu’on ne pourroit, un secours qui ne doit être que passager. Cela demande quelques-unes de vos réflexions, après quoi je suis sûr de tout ce qui sera de votre goût. » Dans des lettres subséquentes, Pontchartrain féli-