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ment celle de notre réseau continental, fournissent-elles un intéressant sujet d’étude. Pour la centralisation financière notamment, on a créé une institution fort ingénieuse, le Railway clearing house, dont l’application de ce côté du détroit nous semble appelée à rendre de grands services à l’exploitation des lignes ferrées dans l’état où elles se trouvent aujourd’hui.

Dès qu’on songe à l’achèvement du réseau européen, on demeure frappé du singulier contraste qui existe entre une telle œuvre et la configuration topographique de notre continent. Si l’on jette les yeux sur la carte d’Europe, on ne rencontre partout que division, séparation, obstacles au rapprochement des peuples. Une tendance toute différente se manifeste dans la construction de ces grandes lignes ferrées, qui sont pour ainsi dire autant d’artères communes entre les différens pays. Tandis que durant des siècles l’homme avait paru animé en quelque sorte d’instincts d’isolement en rapport avec les obstacles matériels dont il était entouré, voilà que dans la construction du réseau ce sont précisément des moyens de rapprochement qu’il a voulu créer, et dont il a voulu étendre le bienfait à toute la grande famille européenne. Les lignes en effet, les principales lignes surtout, appartiennent visiblement à un même système: les mailles se soudent et s’enlacent. Les prolongemens, partis du centre, remontent d’un côté jusque dans les régions glacées du nord, et plongent de l’autre jusqu’aux extrémités des deux vastes péninsules méridionales de l’Europe.

Au nord, nous voyons le service organisé sur toute l’étendue des chemins russes. De Kœnigsberg d’une part, et d’autre part de cette ville de Varsovie, aujourd’hui si désolée, deux voies, qui se confondent à Wilna, conduisent à la capitale de l’empire moscovite, et de là, en empruntant le chemin de Moscou antérieurement construit, gagnent la ville plus septentrionale où se donnent rendez-vous durant plusieurs mois chaque année le commerce de l’Europe et celui de l’Asie. Ainsi la cité politique de Saint-Pétersbourg, la cité sainte de Moscou, la cité commerçante de Nijni-Novgorod se trouvent rattachées aux chemins germaniques, et par suite à nos propres lignes et à tout le réseau du continent[1].

  1. Le programme primitif de la compagnie des chemins de fer russes a subi, comme on sait, des mutilations considérables. De 4,162 kilomètres il est descendu à l,676. On en a rayé deux lignes qui entamaient profondément l’empire des tsars, la ligne longitudinale de Moscou à Théodosie en Crimée, et une ligne transversale qui, se détachant de la précédente vers le milieu de la Russie, devait aller rejoindre la mer Baltique. Malgré cette réduction, trop bien motivée du reste par l’absence de ressources actuellement suffisantes dans les régions centrales, l’addition de 1,676 kilomètres au faisceau européen n’en a pas moins pour effet d’y rattacher les provinces les plus importantes de l’empire russe.