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ficelles ; la marmite bouillait entre quatre pierres ; le gril était chauffé sur le pavé. « Autour de chaque table sont disposées des assiettes, qui contiennent chacune trois harengs grillés saupoudrés de ciboule, arrosés d’un peu de vinaigre, le tout pour le billet de quinze sols ! A côté paraissent quelques plats de pruneaux cuits et de lentilles nageant dans une sauce claire. Des terrines de feuilles vertes occupent le milieu sous le nom de salades[1]. » Une chose manquait : c’était le pain.

Quand on crut le peuple suffisamment fatigué d’un tel régime, on le poussa sur la convention. Du pain! tel fut le cri de ralliement dans les terribles journées qui aboutirent au soulèvement de prairial. On en sait le résultat. La république avait encore assez de vitalité pour dominer la conspiration. Sous le directoire, la crise des subsistances se calma peu à peu. La perception de l’impôt territorial en nature mit à la disposition du gouvernement des ressources alimentaires assez considérables pour décourager les machinations basées sur le monopole. La loi du 9 juin 1797 débarrassa le commerce des entraves qu’avaient multipliées les mesures de circonstance. Les récoltes furent favorables. La meunerie et la boulangerie s’accoutumèrent à la liberté. Bref, on arriva sans secousses dignes de remarque jusqu’à l’année 1801, où le premier consul, effrayé par les apparences d’une disette, constitua la réglementation qui, après un règne de soixante-deux ans, va faire place à la liberté. On verra par la suite que les faits recueillis ici n’ont pas seulement un intérêt de curiosité historique, et qu’ils tiennent encore par beaucoup d’attaches aux problèmes agités en ce moment même.


ANDRE COCHUT.

  1. Mercier, le Tableau de Paris.