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sur un ton qui ébranla la résolution du cabinet de Madrid. Cette attitude décidée de M. Harris fut d’un grand secours à lord North, violemment accusé par l’opposition d’avoir trahi les intérêts de son pays et d’avoir abandonné, par des conventions secrètes, les îles Falkland à l’Espagne. M. Harris, hautement approuvé, reçut l’ordre d’insister, et, les informations qu’il fut en mesure d’envoyer à Londres ayant mis en évidence la faiblesse des arméniens espagnols, on n’hésita pas en Angleterre à se préparer à la guerre, si on n’obtenait pas satisfaction complète.

Le gouvernement espagnol ne s’était pas attendu à une pareille explosion. D’ailleurs il avait compté sur l’appui de la France, que lui garantissait le pacte de famille, et cet appui lui manquait tout à coup, d’abord par le refus que fit Louis XV d’adopter l’avis de M. de Choiseul, qui voulait qu’on soutînt l’Espagne, et bientôt par la disgrâce de ce ministre. M. Harris, dans ses dépêches à lord Weymouth, déclare « qu’il est convaincu que l’Espagne n’aurait jamais cédé, si le cabinet de Versailles ne lui avait pas fait défaut. » Il ajoute dans une note : « La chute du duc de Choiseul devant l’influence croissante de Mme Du Barry amena seule ce manquement aux obligations contractées par la France, » On ne tarda pas à comprendre, à propos d’événemens d’une tout autre importance qui se préparaient dans le nord de l’Europe, quelles graves conséquences devait produire le changement de politique qui suivit la retraite de M. de Choiseul. Quoi qu’il en soit, le gouvernement espagnol se vit obligé de céder; le commandant de l’expédition fut désavoué, et M. Harris ne tarda pas à recevoir, par sa nomination à Berlin, la juste récompense de ses services.

Au moment où M. Harris faisait ses débuts à cette cour de Prusse qui attirait les yeux de l’Europe, la Suède voyait s’accomplir la révolution par laquelle Gustave III, neveu de Frédéric, tirait sa couronne de tutelle en renversant la constitution rétablie à la mort de Charles XII. M. Harris n’eut point à prendre de part directe à ces événemens; mais ses correspondances nous montrent combien il se trompa sur les causes, sur la signification véritable et sur la portée de faits qui se passaient presque sous ses yeux, et il n’est pas difficile de voir que les préventions qu’il apportait dans toutes les affaires où la France avait une part quelconque purent seules égarer à ce point son jugement.

Les anciennes constitutions suédoises ne laissaient guère au souverain d’autre rôle que celui d’instrument docile d’une puissante oligarchie. En 1680, Charles XI, s’appuyant avec habileté sur le clergé et sur la bourgeoisie, obtint des états l’affranchissement de la couronne. Ceux-ci déclarèrent que le roi cessait d’être lié par le ser-