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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/51

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ment, prêté à son avènement, de ne gouverner que de l’avis des sénateurs, et que, tenant ses droits de Dieu, il n’était responsable de ses actes qu’envers Dieu seul. Charles XIIe hérita de l’autorité de son père et sut la maintenir avec fermeté, même après ses revers; mais, lorsqu’il mourut sans enfans, les Suédois, qui avaient eu le temps d’oublier les maux de leur ancienne anarchie et que frappaient davantage, parce qu’ils étaient plus récens, les inconvéniens d’un pouvoir devenu à son tour trop absolu, — les Suédois, au lieu d’appeler au trône le jeune duc de Holstein, désigné par le testament de Charles XII, donnèrent la couronne à la sœur de ce dernier, Ulrique-Éléonore, mariée au prince de Hesse. On lui fit jurer de respecter l’ancienne constitution, remise en vigueur avec des modifications tendant à rendre à peu près nominale l’autorité royale. Cette autorité allait être soumise en tout temps au contrôle du sénat, et remplacée complètement, lors de la tenue des diètes, par le pouvoir de ces assemblées, qui s’arrogeaient jusqu’au droit de paix et de guerre, et timbraient les actes émanés d’elles de la griffe du monarque, dont la signature même cessait ainsi d’être nécessaire. Telle fut la constitution de 1720.

L’excès de ces précautions soupçonneuses, les germes de discorde et d’impuissance partout déposés, devaient amener une prompte réaction. Il se forma deux partis : l’un, celui des chapeaux, favorable à la couronne; l’autre, celui des bonnets défenseur des prétentions oligarchiques. Le premier avait les sympathies de la France, le second celles de la Russie et de la Prusse. Ces partis, par leurs divisions et leurs luttes, préparèrent la révolution de 1772.

Un des premiers soins du duc de Choiseul, lorsqu’il remplaça M. de Praslin aux affaires étrangères en 1766, fut de chercher à rétablir en Suède l’influence française. Ses vues sont exposées avec un talent remarquable dans les instructions qu’il donna au baron de Breteuil le 22 avril 1766[1], au moment où la diète venait de consentir à un traité d’amitié avec l’Angleterre (5 février 1766), traité qui était une sorte de rupture avec la France. Ce que la sagacité et La prévoyance de M. de Choiseul préparaient alors devait se réaliser après sa chute.

Lorsque Frédéric-Adolphe mourut en 1771, son fils Gustave III était en France. Louis XV reçut la confidence des projets de Gustave et les encouragea. C’est là une des pages consolantes de la triste histoire des dernières années de ce règne, car le duc d’Aiguillon, mieux inspiré de ce côté qu’à l’égard de la Pologne, suivit les traditions du

  1. On trouve cette pièce dans l’Histoire de ta Diplomatie française, par M. de Flassan, t. VI, p. 562.