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du nouveau procédé commencent à être exploitées par des artistes habiles et que les premières imprimeries lithographiques s’établissent. Il ne suit pas de là toutefois qu’avant cette époque personne, dans notre pays, ne se fût préoccupé de la découverte faite de l’autre côté du Rhin. Quelques expériences isolées avaient eu lieu déjà, quelques tentatives s’étaient succédé, dont on peut suivre la série dans certains témoignages assez chétifs d’ailleurs, depuis les pâles croquis tracés en 1804 par un élève de David, Bergeret, jusqu’à une Sainte Famille lithographiée en 1809 par Denon. Bien plus, dès l’année 1802, des essais de dessin sur pierre avaient été faits par M. André, et un brevet avait été pris par lui pour s’assurer la propriété légale du procédé. La demande de ce brevet, soit dit en passant, et les dessins dont elle était accompagnée accusent-ils simplement de la part du signataire l’intention de mettre à profit, tant bien que mal, les procédés inventés par Senefelder, ou bien faut-il y voir l’indice d’un fait indépendant des progrès qui s’accomplissaient ou qui allaient s’accomplir en Allemagne? De ces deux suppositions, la seconde peut-être ne serait pas inadmissible, puisque les premiers résultats publics des essais de Senefelder à Munich sont à peine antérieurs à cette même année 1802. De pareilles coïncidences au reste, pour peu qu’on y regarde de près, se produisent assez souvent dans l’histoire des grandes découvertes industrielles ou scientifiques. L’invention de la peinture à l’huile, celle de la gravure ou celle de l’imprimerie, et de nos jours l’invention des procédés héliographiques, n’ont pas été le résultat de suggestions toutes spontanées, d’inspirations absolument personnelles à Van Eyck, à Finiguerra, à Gutenberg et à Daguerre. Ces noms célèbres consacrent et personnifient à bon droit les succès définitifs, ils marquent chacun la conclusion d’une période de tâtonnemens et d’aventures ; mais d’autres noms plus obscurs pourraient être rattachés à ceux-là, et représenter dans l’ensemble des faits le souvenir de quelque conquête partielle, de quelque effort préalable. On dirait en effet que, par une sorte de concert secret et sous la mystérieuse influence d’un besoin commun, les intelligences s’accordent à un moment donné pour être travaillées des mêmes ambitions, préoccupées des mêmes problèmes; on dirait que, l’heure venue, telle question se pose de soi, ou que l’atmosphère porte et dissémine certaines semences inconnues qui germeront simultanément çà et là. Il ne serait donc pas impossible, en ce qui concerne les origines de la lithographie, que de notre temps quelque chose se fût renouvelé des faits qu’on rencontre à d’autres époques et dans L’histoire d’autres découvertes. Tandis qu’un pauvre musicien du théâtre royal de Munich réussissait à multiplier par l’impression les