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et d’en beaucoup attirer, n’était pas faite pour consolider le despotisme absolu de la vieille dogmatique. Là comme ailleurs, la transformation religieuse s’accomplit graduellement, insensiblement. Au commencement de notre siècle, J. Schulthess représentait dans les chaires de Zurich ce rationalisme dit vulgaire, dont les petitesses, les ridicules même, ne doivent pas nous faire oublier les services réels. En 1839, une tempête éclata dans l’église et dans le canton. Le gouvernement aristocratique d’alors avait invité le fameux docteur Strauss à venir enseigner la théologie à l’université de Zurich. Eu égard aux circonstances et bien que le célèbre auteur de la Leben Jesu n’eût pas encore pris vis-à-vis de l’église la position décidément hostile qu’il adopta depuis cet événement, auquel il fut très sensible, c’était une imprudence que les meneurs du parti démocratique exploitèrent fort habilement. Une révolution éclata au nom de la souveraineté populaire et de la religion menacées. M. Strauss dut renoncer à ce poste, qu’il avait accepté avec empressement. Cependant il y avait trop de malentendus en jeu dans toute cette affaire pour que l’alliance entre la réaction religieuse et la démocratie libérale fût de longue durée, et l’on peut dire que cet orage fut de ceux qui éclaircissent l’atmosphère. Depuis lors un libéralisme religieux moins négatif que celui dont M. Strauss eût été probablement le patron, mais décidé à concilier les résultats de la science indépendante avec les exigences légitimes de la piété chrétienne, s’est développé d’une manière continue et régulière. A Zurich comme partout, il existe un parti conservateur, en politique et en religion, dont il faut louer le zèle en matière d’œuvres de bienfaisance et d’évangélisation populaire; mais, comme partout aussi, il est impuissant à empêcher, autrement qu’en la modérant pour son bien, l’idée progressive dont nous parlons.

Parmi les promoteurs de ce libéralisme religieux, nous devons signaler en premier lieu le respectable M. A. Schweizer, théologien du plus grand mérite, dont la science et le caractère ont beaucoup contribué à imprimer au mouvement une direction puissante, soutenue et sérieuse. Ses nombreux ouvrages, parmi lesquels nous citerons celui qu’il opposa à M. Strauss, de la dignité du fondateur de la religion[1], et une Histoire des Dogmes fondamentaux de l’église réformée[2], ont étendu sa réputation bien au-delà des limites de la petite république. A côté de lui se placent le savant pasteur Hirzel, chef actif du parti libéral, connu aussi par d’importantes publications, et plusieurs jeunes professeurs, MM. Biederman et Keim entre autres, qui promettent, de continuer dignement l’œuvre

  1. Uber die Dignität des Religionstifters, 1837.
  2. Geschichte der reformirten Centraldogmen, 1856.