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de leurs maîtres. Le mouvement dont Zurich est le centre s’est répandu dans toute la Suisse orientale et au-delà. Il a un organe populaire très lu, les Zeitstimmen (voix du temps présent). D’après des renseignemens qu’il y a lieu de croire authentiques, un tiers des pasteurs du canton se rattache décidément au parti libéral, un cinquième lui est hostile, le reste ne pourrait encore être classé avec précision. Toutefois l’on peut dire que la presque totalité de la population rurale, la majorité dans les villes, lui sont sympathiques. Lorsqu’on sait à quel degré surprenant l’instruction populaire est poussée dans ce canton, il est impossible de s’étonner de cette rapide extension des idées libérales.

Nous voudrions entretenir nos lecteurs d’une conquête définitive et fort intéressante de la critique moderne, de l’explication rationnelle et scientifique de l’Apocalypse, car il est deviné, positivement deviné, ce mystère des mystères. Tandis que, dans certains cercles religieux, en Angleterre surtout, où l’on a toujours eu un faible pour les calculs apocalyptiques[1], notre siècle voyait recommencer sur nouveaux frais les élucubrations des périodes précédentes, et qu’ailleurs, surtout chez nous, on croyait qu’il fallait renoncer à l’espoir de jamais déchiffrer cet hiéroglyphe en vingt-deux chapitres, la patiente érudition de l’Allemagne creusait sans désemparer ce terrain encombré d’hypothèses ruinées, de systèmes démolis, et parvenait enfin à mettre au jour le trésor enfoui sous dix-huit siècles d’ignorance ou d’oubli. Les universités de Berlin, Gœttingue, Strasbourg, Tubingue, ont contribué, chacune pour sa part, à cette victoire, qui est un bien commun de la critique allemande. Ce n’est pas sans motifs pourtant que le désir d’exposer ici la question apocalyptique nous a fait tourner les yeux du côté de Zurich. C’est là en effet que dès 1781, avec l’Histoire du Chiliasme de Corrodi, le jour commençait à reluire sur ce domaine obscur. En 1836, M. Hitzig, alors professeur à Zurich, maintenant à Heidelberg, orientaliste de premier ordre, communiquait à ses étudians la grande découverte faite simultanément par d’autres exégètes, et à partir de laquelle la légitimité de l’explication que nous avons en vue ne pouvait plus être douteuse. Aujourd’hui enfin M. Volkmar, professeur extraordinaire à Zurich, qui s’est voué spécialement à l’élucidation de la littérature apocalyptique, nous fournit l’occasion cherchée; son commentaire sur l’Apocalypse, publié il y a un an, résume les travaux antérieurs et les poursuit avec beaucoup de méthode, de clarté et de pénétration.

La marche que nous avons à suivre pour ne pas fatiguer l’attention est indiquée par la nature même du sujet. Pour comprendre

  1. Voyez, entre autres, l’article de M. J. Lemoinne sur le Dr Cumming, Revue du 15 septembre 1855.