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Gourbeyre répondit en invoquant nos droits et en annonçant qu’il irait prochainement à Tamatave exiger le redressement de nos griefs. La division en effet se rendit bientôt à Tamatave, détruisit ses forts et chassa les Hdvas, qui les occupaient. De là M. Gourbeyre se dirigea sur Foulpointe; mais, après avoir délogé l’ennemi des batteries qu’il avait élevées, nos troupes mises à terre furent assaillies par une décharge à mitraille de plusieurs pièces de canon, et malgré le courage de leurs chefs ramenées en grand désordre jusqu’au rivage. Il fallait réparer cet échec. A cet effet, le commandant Gourbeyre se dirigea sur la Pointe-Larré, d’où les Hovas menaçaient tout à la fois nos établissemens de Tintingue et de Sainte-Marie. Après un combat acharné, dans lequel les canonniers ennemis se firent tuer sur leurs pièces, le pavillon français fut arboré sur le fort ruiné des Hovas.

Il aurait fallu poursuivre ces succès pour qu’ils ne demeurassent pas stériles. Malheureusement nos moyens militaires étaient trop limités; les vivres de nos navires étaient épuisés, nos équipages et nos troupes étaient décimés par les maladies, et l’hivernage allait commencer ses ravages habituels. M. Gourbeyre prit quelques dispositions pour mettre Tintingue et Sainte-Marie en état de défense, puis revint à Bourbon pour réunir les moyens d’entreprendre une seconde campagne ; mais le ministère de la marine ne voulut pas s’engager plus avant dans la voie des hostilités. M. de Chabrol, qui le dirigeait, donna des instructions au gouverneur de Bourbon pour que la politique française changeât complètement d’attitude à l’égard des Hovas[1]. Sans craindre de prendre le rôle de vaincu, le gouvernement français envoya plusieurs agens à Tananarive pour offrir la paix; mais ils ne furent pas même reçus. M. le prince de Polignac, dans une lettre à la reine Ranavalo, n’hésita point à lui demander son alliance, à lui promettre de la part de sa majesté très chrétienne de lui fournir abondamment des armes et des munitions, des subsides, des officiers instructeurs pour discipliner ses troupes, à la seule condition de nous accorder le droit de fonder de grands établissemens dans la baie de Saint-Augustin, dans celle de Diego-Suarez et dans deux ou trois autres ports de l’île[2]. Nous voilà donc, après la proclamation si souvent répétée de nos droits de souveraineté, après plusieurs entreprises à main armée, réduits à demander ou plutôt à solliciter du souverain de fait la permission d’occuper quelques points de la côte, et nous lui offrons en retour de lui payer une sorte de redevance! Ces propositions, si peu dignes

  1. Précis sur les établissemens français de Madagascar, publié par le ministre de la marine, p. 601.
  2. Histoire et Géographie de Madagascar, par Macé-Descartes. — Times, 12 mai 1845.