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confédération; toute la portion de cet état qui se trouve à l’est de la grande chaîne alléghanienne, et qui depuis a été le théâtre de tant de combats, embrassait avec ardeur la cause de la sécession, et les populations seules de la région orientale et montagneuse demeuraient fidèles au gouvernement fédéral. Le Missouri, le Maryland et le Kansas étaient hésitans; ces états prétendaient maintenir une neutralité impossible entre les deux partis, mais en fait ils ne demandaient guère qu’à suivre la fortune du plus fort. Dès l’origine du conflit, la nouvelle confédération réussit donc à détacher dix états des trente-quatre qui formaient l’Union : elle pouvait compter d’ailleurs sur de nombreux alliés répandus dans les états frontières. Si l’on jette un regard sur une carte d’Amérique, on verra qu’à cette époque la limite entre la région restée fidèle à l’Union et le domaine de la sécession était marquée en traits généraux par les cours du Potomac et de l’Ohio, et, de l’autre côté du Mississipi, par celui de l’Arkansas. Cette ligne, qui traverse le continent dans la direction générale de l’est à l’ouest, depuis l’Océan-Atlantique jusqu’aux Montagnes-Rocheuses, séparait assez exactement les provinces où les fédéraux restaient les maîtres et celles que prétendait leur disputer la nouvelle confédération. Au sud de cette ligne, il n’y avait pas un point où l’autorité de M. Jefferson Davis ne trouvât plus d’adhérens que celle de M. Lincoln, et au nord même de la limite que j’ai indiquée les canons fédéraux retenaient seuls le Maryland dans une impatiente soumission.

Si les états du nord n’avaient opposé aucune résistance à la sécession et en avaient accepté le principe, ou si les armes confédérées se fussent trouvées assez fortes pour conserver la limite du Potomac et de l’Ohio, la confédération du sud fût sans doute devenue un jour la puissance prédominante du nouveau continent. Son territoire eût été plus vaste que celui des anciens États-Unis, la possession des grands fleuves eût rendu les états de l’ouest tributaires de la nouvelle puissance, ou les eût obligés à lier leur fortune à la sienne. La Californie et les états du Pacifique eussent sans doute cherché à se rendre indépendans ; de l’ancienne Union, il ne serait resté bientôt que les états groupés autour du noyau résistant de la Nouvelle-Angleterre. Le monde aurait vu avec effroi se fonder une sorte d’empire noir, proclamant pour la première fois la légitimité, la sainteté de l’esclavage, et appuyant sa redoutable puissance sur une oppression dont l’histoire n’a pas encore montré d’exemple.

Franchissons une année, et nous voyons déjà l’Union redevenue maîtresse de quelques points sur la côte des états confédérés, un corps d’armée établi à Port-Royal dans la Caroline du nord, le drapeau fédéral flottant de nouveau sur la Nouvelle-Orléans; si les armes de l’Union n’ont pas été heureuses dans la Virginie orientale,