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de long; elle est garnie d'idoles, et à certaines époques de l’année on y célèbre des fêtes qui tiennent une place importante dans le calendrier japonais. Au milieu à peu près, dans un enfoncement humide, obscur et malsain, j'aperçus, accroupi sur une litière de paille à moitié pourrie, un moine. Il se réchauffait au feu d'un brasero sur lequel bouillait une théière; il fumait, et par terre, à côté de lui, on voyait une de ces boîtes en bois verni, taillées en forme de tirelire, que les bonzes frappent à temps égaux en récitant leurs prières. Une lanterne en papier, accrochée à la muraille, éclairait cette scène. J'allais m'apitoyer sur le sort d'un homme que ses croyances religieuses condamnaient à vivre dans ce lieu infecte mais j'appris qu'il habitait une jolie maison en plein air sur le plateau d'Inosima, et qu'il ne passait tous les ans qu'un nombre de jours très limités dans son affreuse cellule. J'aurais été en effet bien surpris qu'il en fut autrement, car, d'après ce que j'ai vu, je ne crois pas qu'il soit aisé de découvrir au Japon une seule victime du fanatisme religieux. Sous ce rapport, les Japonais ressemblent beaucoup à leurs voisins et anciens maîtres les Chinois : superstitieux en théorie, ils se montrent dans la pratique plus affranchis de préjugés religieux que les nations les plus raisonneuses de l'Occident.

La lumière du jour me surprit agréablement, lorsque je sortis de la grotte. Une trentaine d'hommes et de petits garçons complètement nus guettaient mon retour pour m'inviter à mettre leur adresse de plongeur à l'épreuve. Je jetai quelques tempos (monnaie de billon qui vaut quatre sous environ) dans un trou assez profond, à proximité de la grotte et en communication avec la mer. Les plongeurs restèrent trente ou quarante secondes sous l'eau, et ne reparurent pas une seule fois à la surface sans avoir retrouvé la pièce qu'ils avaient été chercher. Ils nageaient avec une aisance merveilleuse; et me rappelaient les fameux plongeurs d'Aden et de Ceylan, qui sont capables, dit-on, de nager plusieurs heures sans ressentir beaucoup de fatigue. Les plongeurs d'Inosima forment une sorte d'association placée sous la direction d'un ancien. Lorsqu'ils n'ont pas occasion de pratiquer leur exercice favori, ils se livrent à un genre de pêche assez pénible : armés d'un couteau, ils descendent au fond de la mer, et en arrachent des coraux et des coquillages qu'ils vendent aux marchands de la ville. Ce sont des hommes robustes et bien bâtis, mais d'une figure passablement laide, et qui m'ont semblé plus sauvages que le reste de leurs compatriotes.

Je repris pour m'en retourner le chemin que j'avais déjà suivi, et au bout d'une heure et demie j'étais à Kanasava. Là je trouvai le