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son caractère mélodique. Bon style, belle voix, comédien suffisant, attentif et modeste dans sa contenance, M. Fraschini est presque parfait dans le rang moyen où il faut le placer. Rubini était un oiseau merveilleux qui n’avait qu’à ouvrir la bouche pour enchanter le monde, tandis que M. Fraschini est un chanteur exquis, un artiste intelligent, qui représente bien la grande et belle école de son pays. M. Fraschini vaut à lui seul les cent mille francs dont on a privé le Théâtre-Italien. Mme de Lagrange, qui va bientôt retourner à Madrid, où s’est formée sa réputation, a supporté depuis le commencement de la saison un répertoire assez lourd : elle a chanté tour à tour dans la Traviata, dans Rigoletto, dans la Lucia, dans la Lucrezia Borgia. Dans tous ces ouvrages, elle a fait preuve d’une grande énergie et d’un véritable talent de comédienne. Possédant une voix vigoureuse, qui n’est plus jeune, et une vocalisation brillante, dont elle abuse, Mme de Lagrange a eu de beaux élans dans la scène finale de la Lucrezia Borgia, dans plusieurs morceaux de Rigoletto et dans la scène touchante du quatrième acte du Trovatore. Si cette noble artiste ne gâtait pas souvent les qualités réelles qu’elle possède par des traits nombreux de mauvais goût, son succès à Paris aurait été moins contesté. Une femme qui porte un nom illustre dans les arts, Mme Méric-Lablache, a débuté pour la première fois à Paris dans le rôle de la bohémienne du Trovatore. D’une physionomie piquante, possédant une voix assez forte de mezzo-soprano, Mme Méric-Lablache est surtout une comédienne intelligente qui a su donner à ce personnage profond d’Azucena une physionomie nouvelle et originale. Aussi a-t-elle été accueillie par le public avec une faveur marquée. Si Mme Méric-Lablache parvient à se corriger de quelques petits défauts de prononciation, et surtout si elle s’applique à mieux articuler les mots italiens, on peut lui prédire une brillante carrière dans le genre de rôles auxquels elle semble destinée. Un nouveau baryton, M. Giraldoni, qui a chanté en Italie pendant plusieurs années, et qui est aussi bon Français que Mme de Lagrange, a débuté tout récemment dans il Trovatore par le rôle du comte de Luna. M. Giraldoni possède une assez bonne voix, dont il se sert avec une certaine expérience; il est bien en scène, et tout annonce qu’il sera un artiste de talent, fort utile à la troupe de virtuoses que possède cette année le Théâtre-Italien. Nous finirons en annonçant l’arrivée de Mme Borghi-Mamo, que le public de Paris connaît de reste, et qui a fait son apparition dans il Barbière et dans la Cenerentola.


P. SCUDO.


V. DE MARS.