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nul doute, pense-t-on que ce fût dans une pensée bien favorable au développement libéral du continent ?

Ainsi apparaît ce redoutable problème qui tient l’Europe en suspens, et dont l’auteur des Conditions d’une paix durable en Pologne rassemble d’une main habile les élémens multiples. Ce qui sortira dans un temps prochain de cette situation qui se complique et se développe pas à pas, nul ne saurait le dire. Ce qui est certain, c’est qu’on est en face d’une crise devant laquelle on ne reculerait qu’en abdiquant, qui est un peu partout sans doute, mais qui est principalement à Varsovie, à Wilna, parce que là le sang coule, là sévit la plus affreuse lutte engagée contre un peuple. Si l’Europe ne voyait pas un intérêt sérieux, décisif pour elle en Pologne, il est certain que son intervention a été démesurée, inconséquente et périlleuse. Si cet intérêt existe, comme on n’en peut douter, s’il est éclatant comme le jour, la question est la même aujourd’hui qu’hier, aggravée seulement des violences et des attentats érigés en système, et que le congrès se réunisse ou qu’il s’évanouisse comme une ombre, c’est là, sur ces sanglans champ de bataille de Pologne, qu’est la solution ; c’est là qu’est le secret de cette paix durable à laquelle on n’arrivera que lorsque la force aura consenti à reconnaître la justice pour règle, quand le droit aura retrouvé sa puissance, quand la liberté et l’indépendance auront repris leur place dans la vie des peuples.


Ch. de Mazade.
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La saison des théâtres lyriques, qui s’avance, n’a rien encore produit de saillant. C’est le vieux répertoire qui règne à l’Opéra, à l’Opéra-Comique, au Théâtre-Lyrique, et surtout au Théâtre-Italien, qui a bien de la peine à ressaisir la vogue qu’il a eue sous la restauration et le gouvernement de juillet. Excepté le grand chanteur Fraschini, dont nous avons déjà parlé, le reste du personnel réuni par la nouvelle administration n’est pas tout ce qu’on peut désirer. Cependant nous avons eu à ce théâtre, si nécessaire à la conservation du bel art de chanter de très belles représentations. On a repris tour à tour Rigoletto, la Traviata, la Lucia, Lucrezia Borgia, la Norma, il Barbiere di Siviglia, il Trovatore, et tout récemment la Cenerentola. M. Fraschini a été admirable dans tous les rôles qu’il a abordés. Il s’est élevé très haut, surtout dans la scène finale de la Lucia de Donizetti, où ses sanglots ont ému toute la salle, qui était remplie d’un public émerveillé. Dans il Trovatore, il est parfois sublime. Il chante purement et avec une douce émotion la romance du troubadour, — Deserto sulla terra. — Sa voix pure domine sans effort dans le trio vigoureux qui vient après ; il a de beaux momens dans le duo avec la zingara, et il est touchant dans la scène si pathétique du Miserere. Jamais M. Fraschini ne crie ; dans les élans les plus énergiques, il reste chanteur, et jamais le son ne perd