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la misère de ces petites communions, où tout le monde se connaît, se surveille et s’entr’aide.

La culture de la zone argileuse de la Groningue peut soutenir la comparaison avec ce qu’il y a de mieux en Europe. Bien longtemps avant que l’Angleterre eût adopté deux perfectionnemens nouveaux qui ont fait beaucoup de bruit, le semis, en ligne et le battage à la machine, les cultivateurs de la Groningue semaient en ligne au moyen du zaayhoorn et du zaaytromrnel, et battaient leur grain avec le dorschblok[1]. Maintenant, à ces instrumens très simples et très commodes inventés sur place, ils ont ajouté toutes les machines perfectionnées de l’Amérique et de l’Angleterre, et il en est plusieurs même auxquelles ils ont fait subir d’utiles modifications. Le drainage a été pratiqué dans les terres qui en avaient besoin; les routes sont dans un excellent état d’entretien, et même les chemins dans l’argile, les kleiwegen, sont roulés et durs comme un parquet. Toutes les récoltes, étant semées en ligne, sont sarclées soit avec la houe à cheval de Garrett, soit à la main. Dans les polders anciens, on cultive successivement froment, féveroles, seigle, colza, avoine, trèfle, orge ; mais dans les polders nouveaux, où le froment est de qualité inférieure, on réduit la rotation à quatre années : féveroles, colza, orge et avoine. On est parvenu à supprimer d’une manière très ingénieuse la jachère, jugée partout indispensable dans les fortes terres d’alluvion tous les huit ou neuf ans. Au lieu de semer les féveroles comme à l’ordinaire, on les met en lignes à cinq pieds de distance, et entre les lignes on laboure et on fume comme pour la jachère ordinaire. Les féveroles ainsi traitées se développent avec une vigueur prodigieuse et présentent la plus luxuriante végétation : hautes, droites, touffues, toutes couvertes de fleurs,, elles ressemblent à des haies charmantes dont le parfum pénétrant, à en croire le préjugé populaire, exalte les passions et produit la folie. Malgré le grand espacement des lignes, on obtient encore trois quarts de récolte au lieu de perdre une année, comme dans le système ordinaire.

Depuis quelques années, on a recours, pour augmenter la fertilité du sol, à un procédé; très curieux et assez semblable à l’emploi qu’on a fait en Frise de la terre des terpen ou lieux de refuge. Toute la zone argileuse a été, nous l’avons déjà dit, conquise sur la mer, et les trois ou quatre rangées de digues qui ont été chacune en son temps la barrière la plus avancée subsistaient naguère

  1. J’ai décrit plus haut le dorschblok. Le zaayhoorn est une corne ou un petit entonnoir ouvert par le bas et rempli de semence, au moyen duquel on sème dans les lignes tracées par un rayonneur. Le zaaytrommel se compose d’une série de quatre petits tambours percés de trous et tournant autour d’un essieu unique; on l’emploie pour semer le colza, les navets, etc.