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unique ou cette réserve du saint-sacrement qui ressemble, avec ses 18 mètres de haut, à une aiguille de pierre sculptée à jour dans le style le plus flamboyant, et qui porte à ses divers étages des sujets évangéliques traités dans la manière d’Albert Dürer. Près de Notre-Dame, dont le porche, découpé et fouillé par le ciseau, est pour ainsi dire criblé de niches et hérissé de statues, se dresse une riche fontaine encore sous forme de clocheton gothique, où vingt-quatre figures, ouvrage de Schonhofer, attestent une fois de plus la tendance singulièrement libre et élevée de la sculpture allemande à cette époque. La même observation se renouvelle d’une manière encore plus frappante dans Saint-Sebald, remarquable par un beau chœur, de beaux vitraux, d’excellens bas-reliefs d’Adam Krafft, mais surtout par cette châsse en écrin gothique dont les figurines font de Pierre Vischer un statuaire qui peut le disputer aux grands maîtres. Dans la chapelle voisine dite de Saint-Maurice, dans le Burg, dans un cloître près de l’église de Saint-Gilles et dans les salles qui en dépendent, des collections curieuses offrent de nombreux monumens de l’art des écoles germaniques, et l’on peut y apprendre à connaître, en les comparant, les devanciers et les émules d’Albert Dürer, dont la maison et la statue se voient en montant au vieux château. C’est en dire assez pour caractériser la ville incomparable où il est né, et où sa mémoire et son influence semblent régner encore.

Rien n’est piquant comme de monter de bonne heure en wagon à Nuremberg et d’en descendre à Munich dans l’après-dîner. On quitte les contemporains d’Albert Durer pour se trouver au milieu des pastiches de l’antiquité et de la renaissance, entremêlés des œuvres du XIXe siècle. Du pied d’une gare de chemin de fer conçue dans la dernière mode, excellent échantillon de l’architecture industrielle, on peut apercevoir des péristyles doriques, des loggie d’Italie, les fac-similé des temples de l’Attique et des palais de la renaissance. Le même prince qui, lorsqu’il séjourne à Nuremberg, habite ce Burg escarpé, où l’on ne serait pas surpris de rencontrer l’ombre de Barberousse, a voulu, quand il est à Munich, s’entourer des souvenirs visibles d’Athènes, de Rome, de Florence, et remettre en présence les œuvres de tous les âges et de tous les styles sous la protection d’une impartiale érudition qui comprend tout, admire tout, essaie de tout. D’abord l’aspect général ne paraît pas sérieux. Le mot de pastiches est venu sous ma plume; il est trop sévère, mais n’est pas tout à fait injuste. On se voit entouré d’édifices qui ressemblent à des reliefs rangés dans un atelier pour servir à l’enseignement : on dirait les fabriques d’un parc monumental. Elles rappellent et quelquefois répètent des monumens connus, dont on a