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fixée ou par l’énergie intime des ressorts de la vie nationale ou par des événemens indépendans de notre volonté.

Deux tendances, on pourrait presque dire deux écoles différentes, se sont depuis quelque temps prononcées en France à l’égard du choix que notre pays peut faire entre l’action intérieure et l’action extérieure. Les uns se préoccupent davantage du rôle extérieur de la France, de la mission qu’elle peut avoir à remplir dans la société des peuples ; les autres s’inquiètent surtout de notre développement intérieur, des progrès que nous avons à faire pour assurer chez nous l’indépendance, la liberté et la dignité de l’homme et du citoyen. Les deux tendances ont quelquefois paru se contrarier ; les deux écoles se sont montrées jalouses l’une de l’autre. L’une, celle de l’action étrangère, a semblé mépriser comme une petitesse l’intérêt des progrès politiques intérieurs comparés à la grandeur et à l’éclat que pourrait nous promettre une politique extérieure inspirée de l’esprit de notre révolution ; l’autre s’est montrée disposée à considérer l’action extérieure comme une diversion fâcheuse qui arrête ou fait dévier le développement de la vie politique au dedans. Ces deux écoles ont tort à nos yeux dans ce qu’elles ont d’exclusif : elles supposent toutes deux, et c’est, suivant nous, une erreur, qu’un pays comme la France et les gouvernemens qu’il a à sa tête sont maîtres de faire à leur choix de la politique intérieure ou de la politique étrangère, que l’on peut systématiquement embrasser l’une et négliger l’autre, que les intérêts de la politique progressive au dedans peuvent être différens de ceux de la politique généreuse et glorieuse au dehors, que le succès de l’une peut même nuire au succès de l’autre. Ces deux plis d’esprit sont vicieux, et entretiennent de fâcheux préjugés. Pour notre part, nous avons pris soin de ne contracter ni l’un ni l’autre, d’accepter dans l’ordre où ils nous étaient présentés par les circonstances les devoirs imposés à la France, soit à l’intérieur, soit au dehors. Nous ne croyons pas qu’il puisse y avoir d’antagonisme entre ces deux ordres de devoirs ; nous pensons au contraire qu’ils s’entr’aident mutuellement ; nous sommes convaincus que les progrès de la liberté en France serviront de la façon la plus efficace et la plus durable les causes justes dans le monde, et que le concours que nous prêtons au droit hors de nos frontières ne peut que profiter au progrès et à la consolidation de la liberté chez nous. Nous avons la certitude que l’on ne peut nuire au triomphe de ses principes, quand on les sert avec abnégation et désintéressement dans l’une ou dans l’autre des voies où ils sont engagés ; mais cette façon de voir n’est point celle de tout le monde. Les partisans de l’action extérieure ont même plus d’une fois donné à entendre que leur appréciation serait celle vers laquelle inclinerait le gouvernement. Ils semblaient croire que notre gouvernement aimait mieux occuper politiquement la France à l’étranger qu’à l’intérieur. Quoi qu’il en soit, nous sommes arrivés à un point critique où les questions des deux ordres se présentent à nous avec des caractères semblables d’importance et d’urgence. Le mieux serait de